Ce n'est pas vraiment un film pour tous publics mais une évocation de la vie du célèbrissime peintre japonais à travers le destin de sa fille O-Ei, qui fut à la fois sa disciple, sa collaboratrice - elle terminait certaines de ses commandes - et un peu sa rivale.
Hokusaï - prononcer en oubliant le u - est présenté ici comme un géant bougon, malpropre, égoïste et sans beaucoup de coeur. Par exemple, il ne supporte pas la vue des malades et ne vient jamais visiter sa petite fille, aveugle de naissance, confiée à un monastère. Il vit uniquement pour et par son art, dans un atelier dont il change lorsque la saleté accumulée l'y contraint. Sa fille O-Ei dessine avec talent aussi, mais il ne lui en fait pratiquement jamais compliment. Il va jusqu'à lui reprocher de ne pas savoir dessiner de façon assez érotique certaines estampes shunga, dans la mesure où elle ignore les choses de l'amour.
Ce film est l'adaptation d'une manga célèbre - n'oublions pas que c'est Hokusaï qui a inventé le genre - due à la mangaka Hinako Suguira (1958 - 2005), une chronique douce-amère, au fil des saisons, de la vie quotidienne des artistes à Edo dans le premier quart du XIXème siècle. Parfois lent, parfois utilisant des techniques d'animation étonnantes, souvent surréalistes, le film nous fait entrer dans le décor des estampes japonaises - une de mes passions - et dans l'univers du surnaturel.
J'y ai découvert l'étrange personnage dont le cou s'allonge pendant son sommeil, en fait un classique de la mythologie japonaise, qu'Hokusaï a souvent dessinée : il s'agit d'un rokurokubi, un monstre souvent féminin, qui apparaît normal dans la journée mais dont le cou s'allonge démesurément la nuit venue, pour venir tourmenter les vivants en s'insinuant partout ... assez déroutant pour nous occidentaux, mais parfaitement évocateur pour les Japonais. Nous avons encore tant à apprendre !
Un joli film, un peu lent mais très poétique, qui éclaire ce qu'on appelle ici le paradoxe de l'artiste, pas toujours lisse en extrême-orient comme en occident.