Dire que l'animation est réservée aux enfants, c'est n'avoir rien compris. Passer à côté de l'animation parce qu'on croit être trop vieux, c'est comme faire un caprice d'enfant. C'est souvent insensé. En parler ici, ça me donne un drôle de sentiment, comme si je m'apprêtais à parler de quelque chose de beaucoup moins sérieux, de beaucoup moins sensé, et donc de beaucoup moins intéressant. Pourtant, l'animation est au moins aussi complexe que ce qu'on qualifie de cinéma traditionnel, avec des prises de vues réelles. Peut-être dans un sens, elle est même plus complexe.
J'aime énormément les studios Pixar. Parce que j'ai grandit avec eux, et je leurs porte donc une valeur affective. Parce que je les aime. Et parce qu'en grandissant, je me suis rendue compte de leur génie. Je les aime beaucoup, car ils touchent à des thèmes vraiment complexes pour des films destinés à un public jeune. Car derrière, il y'a souvent quelque chose de vrai. C'est le cas de la plupart des animés, c'est vrai. Mais ce qui me fascine réellement, c'est leur manière de donner la vie à ce qui n'en a pas. Car parler du chaos du monde à travers un petit robot, c'était pas gagné. Wall-e d'Andrew Stanton fait partit des films que j'ai vu en salle à leur sortie, et que je n'avais sans doute pas l'âge de comprendre. D'en comprendre les enjeux, les détails et les nombreuses références. C'est toujours très étrange de revoir un film des années après, et le voir d'une manière complètement autre.
De quoi ça parle ? Wall-e est le dernier habitant de notre chère planète Terre, devenue un astre de poussière. Sa mission est alors de nettoyer la Terre. Jusqu'à ce qu'EVE, une sonde soit déposée afin de chercher une trace de vie ..
C'est compliqué l'animation. Il faut recréer un monde, en entier, dans ses moindres détails. C'est un monde qui n'existe pas. On en devient son créateur. On lui invente des règles, des lois. On le peuple. Avec des créatures insolites. Il faut savoir lui donner vie. L'animation, c'est littéralement donner la vie à un monde qui n'existe pas. Ce qui me fascine particulièrement avec une grande partie des films de Pixar, c'est cette façon de donner vie à ce qui n'en a pas. C'est leur inventer une vie propre. C'est dire ce qu'on ignore. Et ce qu'il y'a de rigolo, c'est que rien ne prouve que tout ça est faux. On ne sait pas ce que font les jouets quand on est pas là, on ne pourra jamais le voir. On ne sait pas ce que font les poissons au fond de l'eau. On ne sait pas ce que vivent les monstres. Les insectes. Pixar parvient à ouvrir des mondes. Car qu'est ce qui nous prouve que dans 100 ans, la Terre ne sera pas aussi dévastée ?
Ce qui me fascine réellement avec ce film, c'est cette manière de rendre touchant un personnage pourtant dénué de visage. En effet, Wall-e n'est finalement qu'une paire de jumelle qu'on s'amuse à bouger. Et pourtant. Et pourtant, c'est un personnage véritablement attachant, par tous ces bruits, tous ces mouvements, sa maladresse. Ce qui est assez étonnant, c'est que toute la première partie du film est muette. Dénuée de parole. J'avais encore rarement vu ça dans un film d'animation, voir finalement jamais. Car s'ouvrir sur du muet, c'est prendre le risque de perdre son spectateur, surtout qu'il sensé être bien jeune. Pourtant, c'est tout à fait compréhensible. Ce silence, c'est le silence qui règne sur cette planète à moitié morte. C'est une idée que je trouve véritablement géniale. On s'attache à ce petit robot rouillé.
Pixar a pour habitude de jouer avec un double discours. Si les enfants s'amusent des personnages hauts en couleurs, les autres peuvent voir quelque chose de beaucoup plus profond. Beaucoup de films d'animation fonctionnent ainsi. Mais j'ai l'impression que Pixar va plus loin. Le passage de l'enfance à l'âge adulte. La perte d'un être cher et son acceptation. Wall-e est peut-être un de ceux qui va le plus loin. C'est peut-être un des seuls, je crois, qui s'attaque au futur de l'humanité toute entière. Le film possède un message écologique vraiment fort, et qui a presque quelque chose de dérangeant. Le futur de la Terre, c'est la poussière, la destruction et les ordures. L'image est presque inquiétante. Ce qui était un foyer est devenu des cendres. Les humains ont préférés fuir et laisser les machines faire. Le film s'ouvre sur des contrastes forts : une musiques joyeuse sur fond de dévastation. Le film a un message complexe pour une public qui ne peut qu'en percevoir les grandes lignes. La consommation a tué le monde. Ce qui est terrible aussi, c'est que le seul capable de voir la beauté du monde est une machine. Wall-e est un espèce d'archéologue, qui collectionne les objets du quotidien parce qu'ils sont beaux. Le seul capable de prendre soin de la dernière forme de vie sur Terre. La plupart des films de science-fiction utilise le thème du robot. Le robot est celui qui veut être plus humain que l'humain et qui dépasse le vivant. Wall-e, c'est un humain par accident. C'est celui qui s'émerveille des objets qu'il trouve. C'est celui qui veut seulement prendre la main d'EVE. C'est finalement son seul but pendant tout le film. Il tombe amoureux par accident. Un robot sensible. Ca paraît niais. Comment un film d'animation, avec un monde qui n'existe pas, avec des robots peut réussir à nous toucher à ce point ? Comment est-ce qu'on peut créer de l'émotion à partir du vide ? C'est là tout ce qui me fascine dans les Pixar.
Les hommes, eux ont fuis. Dans l'espace. C'est terrifiant, car ils sont tout obèses, manipulables. Scotchés à leur siège et à leur écran, suivant ce qu'on lui dit. Le nouveau monde des hommes, c'est le monde de la consommation. Même sur la Lune, on espère trouver des clients. Toutes les séquences avec des humains sont vraiment étonnantes, car elles s'adressent directement à un public plus réfléchi. Les hommes sont devenus des créatures malsaines. Les robots sont vivants. Cette dualité est dérangeante, car elle a quelque chose de vrai. Le message de tout le film porte à réfléchir. L'humanité s'auto-détruit dans la surconsommation. Et dans sa manière à ne pas en préserver sa beauté. Car tout l'espoir réside dans une plante verte, dans sa fragilité. Ce sont les machines qui font prendre conscience de l'état dramatique de l'humanité.
L'une des références qui me fait presque jubiler dans mon canapé à chaque fois que je la vois, c'est cette fameuse référence à 2001 : L'odyssée de l'espace de Kubrick. L'utilisation de Ainsi parlait Zarathoustra illustre la naissance d'une civilisation. Ce n'est plus le singe qui utilise l'outil. C'est l'homme obèse capable de se lever de son siège. Je trouve cette séquence absolument géniale, car elle accentue le propos de manière vraiment puissante. Et puis la référence constante à HAL, devenu AUTO, qui cherche à empêcher l'humanité d'atteindre son but. Je n'avais évidemment pas la référence quand je l'ai vu la première fois. Ça fait partit de ces détails qui font l'essence même du film.
L'animation parvient à créer un autre monde. Une représentation de notre monde, qui est pourtant plausible. Wall-E est un de ces films qui parvient à véhiculer un message puissant à un public varié. Mais surtout, c'est beau. Visuellement, ne serait-ce que pour cette longue séquence muette, que je trouve fantastique. Par le personnage de Wall-E, personnage véritablement touchant. C'est assez osé de créer un personnage sans visage, qui s'exprime à travers des sons. Pourtant, c'est émouvant. C'est sûrement ce qui me fascine le plus. Cette façon de nous émouvoir, de créer des émotions à partir du rien. C'est une véritablement création. Et c'est magnifiquement réussi.