« Je les ai regardés sans pouvoir réagir. J’étais comme dans ces rêves où chaque geste s’effectue au ralenti, où la bouche s’entrouvre sans qu’aucun cri n’en sorte, et où l’on se découvre soudain incapable de courir, alors même qu’il faut fuir un danger imminent. J’ai laissé s’accomplir, impuissante et perdue, la plus grande catastrophe de toute mon existence. »
Le récit se situe dans un futur proche, au sein d’une ville surveillée jusque dans les moindres recoins. Dans ce Paris des années 2090, les caméras sont partout, les contrôles d’urine automatiques, les manipulations génétiques légion et même les livres y sont bannis ! Ceux-ci ne sont pas brûlés comme au bon vieux temps de l’Inquisition, mais numérisés après avoir été dépourvus de toutes pensées subversives. À l’opposé de cette ville qui contrôle la moindre information et tous ses habitants, il y a la « Zone », un lieu Extra Muros où règne la violence , la pauvreté et… la liberté !
« Moi aussi, certains jours, j’aimerais que tout s’arrête : l’analyse de mes urines chaque matin au réveil, le passage au scanner chaque fois que je pénètre un bâtiment public, le contrôle de mes achats, les conseils des nutritionnistes, la convocation pour mes premières injections dans le visage, l’émetteur que Fernand me presse de faire implanter derrière mon sternum, et cette caméra qui tourne en permanence derrière le grand miroir. »
C’est au sein de cet univers qui fait froid dans le dos, que le lecteur est invité à suivre la rééducation et la quête de Lila K. Au fil des pages et des rencontres, l’auteur lève le voile sur son passé et sur les raisons de sa séparation avec sa mère… une balade qui s’avère riche en émotions…
« J’ai soudain vu le livre s’ouvrir entre ses mains, éclater en feuillets, minces, souples et mobiles. C’était comme une fleur brutalement éclose, un oiseau qui déploie ses ailes. »
Si ce roman d’anticipation aborde énormément de thèmes intéressants, allant de l’amour maternel à la liberté d’expression, en passant par la maltraitance, la surveillance extrême et la résistance, il est également porté par des personnages particulièrement attachants. Il y a bien évidemment la petite Lila, surdouée et fragile, mais également des personnages secondaires qui ne sont pas en reste et auxquels l’auteure dédie chaque fois un chapitre : Monsieur Kauffmann, le directeur du Centre, Fernand, son remplaçant, Milo Templeton, son patron, et Justinien, son collègue. Même Pacha, le chat arc-en-ciel génétiquement modifié, ne laisse pas indifférent !
« Je m’étais fait avoir avec les sentiments, on ne devrait jamais. A présent, j’en payais le prix, et je mesurais que c’était inabordable. Denrée de luxe, trop risquée pour les cœurs malmenés. Alors j’ai décidé que je ferais attention désormais. A garder mes distances. A ne pas m’attacher, surtout pas. Me préserver, tout fermer à double tour – réserve, confort, sécurité. C’était nécessaire, c’était vital. Je savais qu’un nouveau chagrin me tuerait. »
Une balade au côté de Lila que je vous conseille vivement !
“On passe sa vie à construire des barrières au-delà desquelles on s’interdit d’aller : derrière, il y a tous les monstres qu’on s’est créés. On les croit terribles, invincibles mais ce n’est pas vrai. Dès qu’on trouve le courage de les affronter, ils se révèlent bien plus faibles qu’on ne l’imaginait.”