J’ai eu la chance de rencontrer Alice Isaaz à l’occasion du 41ème du Festival du Film Américain de Deauville. La jeune actrice talentueuse vue dans La crème de la crème, Les yeux jaunes des crocodiles ou Un moment d’égarement fait cette année partie du prestigieux Jury Révélation mené par Zabou Breitman. Une rencontre à la Villa Kiehl’s qui nous a permis de discuter de son expérience en tant que juré, de son fulgurant début de carrière ou de ses attentes.
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Comment fait-on pour devenir membre du Jury Révélation Khiel’s du Festival de Deauville ? C’est une première en temps que jurée ?
Alice Isaaz : Une amie travaille avec un des organisateurs du Festival et elle m’a tout simplement demandé si j’étais disponible pendant 10 jours. Je ne sais pas qui a eu l’idée de me contacter, c’est passé directement par son biais. J’ai déjà été jurée pour un Festival de courts métrages mais qui ne durait qu’une seule journée, l’expérience est du coup très différente ici, on peut donc presque dire que c’est une première fois pour moi. C’est génial à faire. Il faut bien sûr avoir du temps et être disponible mais c’est hyper intéressant et enrichissant.
Et comment se déroulent vos journées ici à Deauville ?
Alice Isaaz : On commence par une première projection à 11h puis on déjeune ensemble, avec tous les membres du Jury Révélation. Pendant ce déjeuner on échange sur le film de la matinée, on prend des notes. On essaye de se faire un débriefing par jour vu que le festival est assez long. Après le déjeuner, on a un petit break mais on enchaîne finalement assez vite sur la seconde projection de 15h. Le reste de l’après midi est généralement consacré à la presse ou au repos et le soir c’est red carpet donc on se prépare en fin d’après midi avec coiffure, maquillage… En semaine, on a le choix ou pas de venir voir le film du soir. Ensuite c’est soit dîner soit soirée à la Villa Kiehl’s.
En parlant de préparatifs pour les soirées au CID, vous êtes toujours extrêmement bien habillée. Avez-vous un styliste pour vous aider ?
Alice Isaaz : Et bien non, pas de styliste ! J’ai accès à des showrooms avec des larges choix de vêtements et c’est bien moi qui sélectionne les vêtements que je porte tous les jours. Il y a toujours quelqu’un qui est là pour nous conseiller si il faut mais je sais généralement ce que je veux et je déteste qu’on me dise comment je dois m’habiller. Ça me rappelle quand j’étais petite et qu’on m’habillait pour aller à l’école, il y a eu quelques fautes de goûts, plus jamais ça !
Revenons-en au cinéma américain. Avez-vous un film, un réalisateur, un acteur américain fétiches ?
Alice Isaaz : On me pose souvent ce genre de questions et je n’arrive jamais à y répondre. J’en ai plein en fait. Et je n’aime pas à répondre à ces questions, je trouve ça très réducteur. Il y a plein de films, d’acteurs… que j’aime pour des tonnes de raisons différentes et je n’ai pas envie d’en citer qu’un à chaque fois.
Vous avez été repérée alors que vous étiez encore au lycée. Le métier d’actrice, c’est un hasard finalement ?
Alice Isaaz : C’est marrant, c’est la deuxième fois qu’on me pose cette question et c’est donc la deuxième fois que je vais donner cette réponse depuis le début du festival. En fait, je me suis récemment rendue compte que ça fait 6 ans que je mens aux autres journalistes ! J’ai toujours répondu que j’ai voulu devenir actrice au moment où l’on m’a repéré mais en fait, j’ai dernièrement fait du tri dans mes papiers et je suis retombée sur des antiquités dont une lettre écrite lorsque j’avais 12 ans et jamais envoyée pour un casting. Je ne m’en souvenais absolument pas ! Dans la la lettre j’indique que je rêve d’être actrice, etc… J’imagine que c’était pour une annonce parue dans un petit magazine ou quelque chose comme ça. Donc devenir actrice, ça a bien été un rêve de jeune adolescente finalement.
Désormais c’est une évidence pour vous le métier d’actrice ? Si oui, quel a été le déclic ?
Alice Isaaz : Oui, aujourd’hui, c’est une évidence pour moi. Quand on m’a repéré, j’ai tourné dans la foulée un court métrage, et c’est cette expérience qui a été un déclic. J’ai tourné pendant une petite semaine ce court métrage à Paris de Jonathan Borgel, je suis montée dans la capitale accompagnée de ma sœur, j’étais mineure à l’époque c’était donc obligatoire, et mes parents n’étaient pas disponibles, et je me suis sentie très vite à l’aise, j’ai aimé ça tout de suite. Même ma sœur, qui a du mal à me faire des compliments directement, m’a dit « on dirait que tu as fait ça toute ta vie ». Cette phrase a raisonné en moi et à partir de là l’idée de devenir actrice ne m’a plus quitté. Je ne voulais pas que ça reste qu’une expérience.
Vous êtes tout de même retournée au lycée pour passer votre Bac et vous avez enchaîné avec le Cours Florent ?
Alice Isaaz : Durant mon année de terminale, je suis allée aux portes ouvertes du Cours Florent et j’ai assisté à un cours de Frédérique Farina, une prof géniale. C’est là que j’ai compris que je voulais intégrer cette école. Après le bac, j’ai fait un stage d’été au Cours Florent et j’ai enchaîné direct.
Vous jouez très souvent des rôles de jeunes femmes rebelles. Vous n’avez pas peur de vous enfermer dans un type de rôle ?
Alice Isaaz : Je dirais plutôt que ce sont des filles à fort caractère que rebelle. Dans La crème de la crème, je ne perçois pas mon personnage comme rebelle ou teigneux. Elle a un sacré caractère mais gros caractère ne veut pas dire rebelle. J’ai vraiment eu l’impression de jouer des rôles très différents à chaque fois que ce soit dans La crème de la crème, Les yeux jaunes des crocodiles ou Un moment d’égarement. Et si je comprends qu’on leur trouve des points communs, je préfère être choisie pour ça que pour des rôles un peu fades. Ça ne me déplait pas, au contraire.
Justement, vous vous retrouvez dans ces personnages à fort caractère. Ils vous ressemblent ?
Alice Isaaz : Ça dépend lesquels. Je ne veux pas faire d’amalgame mais pour Hortense dans Les yeux jaunes des crocodiles, non, je ne m’y reconnais absolument pas. Les relations qu’elle entretient avec sa mère, avec sa tante, avec son pseudo amoureux et avec les hommes en général, je ne m’y reconnais absolument pas. Mais j’ai vraiment eu envie de défendre ce personnage. J’aime qu’on me propose des rôles qui sont justement très éloignés de ce que je suis, c’est ce qui m’attire le plus. Hortense a un fort caractère, comme moi, mais nous sommes extrêmement différentes. Elle est détestable mais j’ai eu envie de comprendre pourquoi et à partir du moment où je l’ai compris, j’ai eu envie de la défendre.
Vous avez fait pas mal de télé à vos débuts. Maintenant c’est terminé, vous vous consacrez au cinéma ou vous restez ouverte à des propositions ?
Alice Isaaz : Je reste ouverte à tout mais le challenge doit vraiment être important, encore plus pour la télé. Pour ceux qui ne le savent pas, les tournages pour un téléfilm ou pour film n’ont pas du tout la même durée. À la télé, on tourne 7 à 8 séquences par jour contre 1 à 2 pour le cinéma. Le rythme de la télé est extrêmement soutenu mais c’est surtout frustrant quelque part car on a moins de temps pour préparer son rôle. Très souvent, on ne sait que peu de temps avant le début du tournage que c’est validé et on doit aller tourner rapidement. Ça demande beaucoup de réactivité mais ça entraîne aussi quelques regrets. Parfois, avec du recul, on se dit qu’on aurait aimé faire cette scène autrement ou ce genre de chose. Mais malgré tout, je reste ouverte à la télé si le challenge et le temps de préparation le permettent.
Vous avez 3 films à venir annoncés : En mai, fais ce qu’il te plait (sortie 4 novembre); Rosalie Blum (sortie 2016), Elle (sortie 2016). Pouvez-vous nous en parler un petit peu ?
Alice Isaaz : En mai, fais ce qu’il te plait est un film sur la Seconde Guerre Mondiale qui traite de l’exode de mai 1940. C’est un très beau film dans lequel je ne joue justement pas une rebelle ! Et puis en 2016, il y aura Rosalie Blum et Elle qui n’ont pas encore de dates de sortie il me semble.
Et d’autres projets ?
Alice Isaaz : Oui, je joue au théâtre de 15 Décembre au 24 Janvier avec Isabelle Carré au Théâtre de l’Atelier puis je repars en tournage pour un film de Gilles Bourdos. Je suis sur tous les fronts !
Rêvez-vous de travailler avec des réalisateurs francophones en particulier ?
Alice Isaaz : Oui, beaucoup. J’aime énormément le travail de Xavier Dolan, c’est mon coup de cœur. Forcément aussi, je rêve de tourner avec des réalisateurs comme Jacques Audiard ou François Ozon. Mais je reste curieuse, c’est le scénario et le personnage qui comptent avant tout. Si le meilleur réalisateur du monde m’envoie demain un scénario qui ne me parle pas, qui ne me touche pas, je ne suis pas sûre d’accepter. Signer un contrat sans avoir « ressenti » le rôle et le scénario est très dangereux, c’est le risque de se planter derrière. Et vice versa, il y a des jeunes réalisateurs inconnus qui peuvent m’envoyer des scénarios pour lesquels je peux signer dans la foulée. J’ai envie de soutenir les jeunes réalisateurs, ceux qui se lancent et proposent des choses nouvelles. Je suis très curieuse !
Propos recueillis à Deauville, le 09/09/15 par Anne-Laure Soyez