MONDE > Algérie : quand les mariages déguisés s’apparentent à de la prostitution

Publié le 11 septembre 2015 par Fab @fabrice_gil
Au moment où le mariage dit "classique" subsiste toujours en Algérie, de nouvelles formes d’unions qui s'apparentent à de la prostitution, telles qu'El Mysiar, font leur entrée dans la société algérienne sous l’influence de courants venus d’Orient. 

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Photo ©Sipa

La réforme du code civil de 2005 ayant entraîné le re-mariage avec l’autorisation de la première épouse a contribué à l’apparition de nouveaux mariages. Des mariages déguisés, honteux, dont l'issu s'apparente à de la prostitution. Saïd Djabelkhir, chercheur en soufisme explique le phénomène sous un regard politique : "Notre société s'est arrêtée à la première marche de la citoyenneté. Une pseudo-modernité négociable avec les religieux". L'homme s'inquiète de voir régresser son pays en dépit de l’existence du code civil. "Nous nous trouvons, dans certains cas, avec des hommes vivant avec 7 à 8 femmes, issus d'un seul mariage inscrit à l’état civil". Pire, l’ancienne forme du mariage (Zawadj El Ourfi) a pris un tout autre aspect sous l’influence de courants venus d'orient. "Depuis 2006, un interdit circule auprès des imams sur la célébration de mariages religieux, si le mariage civil n’est pas préalablement conclu, avec documents à l’appui. Les pouvoirs publics tentent de reprendre le contrôle d'une large frange de la société qui, à la faveur des années de violence dans le pays, ont fini par vivre en dehors du système et parfois contre les logiques de l’Etat", écrit Abderrahamane Moussaoui dans une étude intitulée Alliances bénies en Algérie : nouveaux liens maritaux en Islam, paru en 2010 dans L’Année du Maghreb. Aujourd'hui le mariage Al Misyar, importé d'orient (Egypte, Arabie Saoudite) insinue ses erreurs dans la classe dite instruite, notamment universitaire. Cette alliance non reconnue par la société algérienne -conclue dans bien des cas à l’insu des parents et des proches s'explique par la non-reconnaissance de la société des besoins naturels des jeunes.Ces besoins d’ordre sexuel ne sont reconnus ni dans le discours religieux officiel, ni dans celui des fanatiques. Saïd Djabelkhir assimile Al Misyar et toutes ses variantes au Zawadj El Moutaa (contrat de mariage musulman d'une durée déterminée convenue entre les époux). Pour rappel, cette forme n’est pas reconnue par le rite malékite ; rite dominant dans le pays. "Les jeunes cherchent par n’importe quelle façon de satisfaire leurs besoins sexuels", soutient Saïd Djabelkhir. "Le jeune algérien prend le religieux comme un prétexte pour se déculpabiliser", rendu possible grâce à la complicité de certains imams. Maître Fatma-Zohra Benbrahem le qualifie, elle, de prostitution déguisée. 

Les mosquées échappent au contrôle - En dépit des efforts entrepris, afin de limiter l’impact des pratiques fanatiques et les résultats déroutants qui en découlent, certaines mosquées échappent toujours au contrôle. Le mariage secret se fait "avec la complicité de l’imam", dénonce l'avocate. "Lors des  halakate (cercles), il y a toujours une matrone qui essaie d’embobiner les filles en leur disant que ce genre de mariage se passe dans une mosquée, que c’est un lieu sain, et qu’il est correct". La réalité est tout autre : "c’est une nouvelle forme de prostitution". Du reste, ce "mariage secret" est à l’origine de Nikah El Harb,  (guerrières du sexe) ; Phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur, notamment en Syrie. Bien qu'aucun cas de ce genre n’est pas encore été déploré en Algérie, Maître Fatma-Zohra Benbrahem ne manque pas de comparer ces pratiques à celles connues durant le colonialisme français en Algérie : "Lorsque les Français sont rentrés en Algérie, ils ont kidnappé des filles algériennes qu’ils ont placées dans des campements militaires. Plusieurs d’entre elles sont mortes de maltraitances sexuelles. La guerre en Syrie utilise le même système. C’est une nouvelle forme d’esclavagisme sexuel qui est interdit par le droit musulman, qui ne répond à aucune règle du droit positif. Les jeunes femmes ont besoin de comprendre qu’elles ne sont plus des marchandises". Maître Fatma-Zohra Benbrahem rappelle que ce mariage est invalide. Ce mariage est apparu en Egypte dans les facultés. Les filles étaient accompagnées de deux amis universitaires en qualité de témoins, le tout à l’insu des parents, elles transcrivaient sur une feuille signée leurs souhaits, et par les deux parties... leur mariage.FG