La Tradition Primordiale (1)
Le centre du monde est le « lieu » où se conserve intact le dépôt de la Tradition Primordiale. De la sorte, la possession du Graal, par exemple, représente la conservation intégrale de la Tradition primordiale dans un tel centre spirituel ; la perte du Graal est en conséquence la perte de la tradition, mais, à vrai dire, cette tradition est plutôt cachée que perdue, ou du moins ne peut être perdue que pour certains centres secondaires lorsqu’ils cessent d’être en relation directe avec le centre suprême. Le centre du Monde, par contre, garde toujours intact le dépôt de la Tradition et n’est pas affecté par les changements extérieurs.
La doctrine traditionnelle, conférée à une société spécifique, est d’origine surhumaine et dérivée de la Tradition Primordiale. Une telle société traditionnelle permet la transmission immuable – habituellement sous une forme orale – des éléments doctrinaux, dont l’essence reste la même, mais dont l’enveloppe seule change en tant qu’elle s’adapte aux circonstances historiques.
Nous ne devons pas confondre la tradition avec le « traditionalisme » ; ce dernier n’a aucun lien spirituel avec le Principe car il se limite à une accumulation d’habitudes et de coutumes plus ou moins anciennes, dont la vraie signification s’est perdue au cours des siècles, de la même manière que les principes qui les activaient.
Bien que la tradition ait été orale à son origine, nous devons accepter qu’elle puisse également être écrite, comme les textes sacrés traditionnels, qui ont une très grande importance aujourd’hui. Nous devrions ajouter qu’étymologiquement tradition signifie « ce qui se transmet » d’une façon ou d’une autre ; pourtant, nous parlons ici de la transmission d’éléments sacrés, transmissions qui s’opère sans interruption à l’aide d’une voie régulière et continue ; quant aux éléments eux-mêmes, leur origine est au-delà du cycle de la présente humanité, c’est à dire qu’ils ont une origine « non-humaine ».
La tradition, grâce à ses caractéristiques non-humaines et transcendantes, a une essence permanente, reflétant l’immuabilité du principe qui est, effectivement, l’origine intrinsèque de toute transmission orthodoxe, alors que pour l’homme moderne toutes les « coutumes traditionnelles » sont dans un état incessant de changement, suivant les caprices de la mode et appartenant donc au domaine profane !
La tradition primordiale s’est manifestée sur terre au centre du monde en même temps que le commencement du cycle humain et, sans la confondre avec la révélation conférée à quelques individus par Dieu (Dans le sens religieux), la Tradition peut être identifiée au Principe qui est à l’œuvre dans la manifestation comme un « Trésor » surhumain de connaissance métaphysique offert à l’humanité au moment où elle procède du principe et a été assimilée par l’inspiration directe (Shruti dans la tradition Hindoue).
(2) – La Voie Initiatique est un Retour au Centre, Symbolisé par le Paradis Terrestre où se tient la Tradition Primordiale. Avant d’aller plus loin, il faut préciser que la compréhension du symbolisme du Graal se fait à différents niveaux de lecture, exotérique, mésoterique et ésotérique. La pensée du Moyen Age est une pensée analogico-symbolique dans laquelle l’homme comprend les rapports entre les principes et les lois ainsi qu’entre tous les règnes de la nature.
L‘homme en tant que représentation microcosmique de l’univers macrocosmique participe activement à la continuité entre tous les plans. Aujourd’hui, nous sommes dans une pensée inductive-déductive, où seule l’analyse des faits nous intéresse, nous coupant ainsi de tout accès à la transcendance. Du global nous sommes passés au particulier, et du spirituel au matériel. Ceci pour dire que la relation incroyable ou extravagante des aventures du Graal n’est pas due au hasard mais est bien le fait d’initiés, pour ceux qui ont des oreilles pour entendre et des yeux pour voir.
Le Graal aurait été taillé par les anges dans une émeraude tombée du front de Lucifer lors de sa chute. Il fut confié à Adam dans le paradis, mais celui-ci le perdit après sa transgression, car il ne put l’emporter hors du paradis. Récupéré par Seth, troisième fils d’Adam, il parvint par une transmission secrète à Jésus le jour de la Cène. C’est dans cette coupe que fut recueilli le sang de Jésus sur le calvaire. Elle fut confiée à Joseph d’Arimathie, disciple secret de Jésus, qui ensevelit aussi le corps de ce dernier. Le Graal aurait été ensuite transporté par Joseph d’Arimathie et Nicodème (représentants des pouvoirs temporel et spirituel) en Grande-Bretagne. Là, le dernier fils de Joseph d’Arimathie fonda avec la fille de Nascien (descendant du roi Salomon) la dynastie des rois pêcheurs, gardiens du Graal !
C‘est là que le roi Mordrain, beau-frère de Nascien, dévoré par l’envie de contempler le Graal et n’étant point désigné pour le faire, voulut outrepasser l’interdiction et fut cruellement frappé par un ange qui lui perça les deux cuisses de sa lance !
Le roi Mordrain porta depuis ce temps le nom de « roi mehaigne » (c’est-à-dire blessé), sachant qu’il ne guérirait que lorsque viendrait le « meilleur chevalier du monde » et que, sitôt guéri, il pourrait enfin mourir.
Telle est brièvement exposée l’histoire du Graal depuis son origine jusqu’au commencement des Temps Aventureux.
Les religions dominantes ont toujours su s’approprier les cultes anciens pour asseoir leur autorité. Le Graal n’échappe pas à cette règle. Chez les peuples celto-nordiques, il existait déjà. Dans le Lebar gabala, le livre des conquêtes transmis par les bardes d’Irlande, il est dit que les « Tuata de Danann » (les dieux lumineux venus du Nord) apportèrent de leur contrée (Hyperborée) les quatre objets magiques : la pierre du sacre, qui crie lorsque le roi s’assied dessus (qui rappelle le siège périlleux), la lance de Lug, le chaudron d’immortalité (le Graal est aussi associé à une pierre), et l’épée Kaledwlch (appelée Excalibur).
La tradition nous dit que Merlin (lien entre la civilisation celte et chrétienne) transmet son savoir à maître Blaise, un clerc plein de sagesse. La légende dit que saint Blaise sauva un cochon de la gueule d’un loup. Le cochon ou sanglier, un des deux animaux symboles des Celtes, représente le sacerdoce.
Remarquons en passant que les Templiers vouaient un culte particulier à saint Blaise et que le loup en alchimie figure le Saturne des philosophes, c’est-à-dire le père des dieux, Chronos, principe de la tradition primordiale. Blaise, Blasios signifie en grec avoir « les pieds en dehors » rappelle Hephaïstos, le Dieu du feu et de la forge, et des cabires alchimistes.
Arthur est l’ours celtique, l’étoile polaire dans la constellation de la petite Ourse, symbole de la royauté. Cette contrée du Nord, siège de la tradition primordiale, est à la fois la terre du sanglier druidique et de l’ours de la royauté celtique. Voilà aussi pourquoi Arthur n’est pas un roi du temps des hommes, il est le roi du centre polaire.
Il existe dans la queste un moment symbolisé par le pont de l’épée, constitué du tranchant d’une épée jetée au-dessus d’une eau sombre. Le héros, qui réussit à traverser sur ce tranchant et se blesse, fait le lien entre l’âge d’or et le monde des hommes. Il devra ressouder cette épée brisée, ensanglantée, qui évoque la rupture entre les hommes et les dieux, la chute des origines primordiales. C’est la l’essentiel de la queste
(1) – Sources : Mircea A, Tamas René Guénon et le centre du Monde. Pages 18 à 19.
(2) – Sources : Extraits de la voie chevaleresque et l’initiation Royale dans la Tradition Chrétienne. Gérard de Sorval.
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