Dix ou quinze ans plus tôt, le profil de webdesigner faisait fureur auprès des agences de recrutement et « en bouchait un coin » auprès des camarades de party. Autrefois, la conception d'un site Internet relevait d'un artisanat geek et nécéssitait de réinventer la roue pour chaque client. (Mal)heureusement, une combinaison de facteurs disruptifs poussent ce métier vers la préhistoire technologique à la vitesse TGV...
La maturité des standards Web repose sur l'universalité ou la standardisation des interfaces : solutions CMS, sites mobiles, formulaires de connexion/d'inscription, paniers d'achats, widgets, apps, etc. Consécutivement, la créativité dans le design Web a autant de poids que l'innovation dans l'industrie des réfrigérateurs ou des lave-linges et laisse donc très peu de place à la surprise.
La monarchie quasi absolue du CMS. Les succès fracassants de Wordpress, de Drupal, de Joomla et compagnie ont rapidement érodé le design Web. Entre généralisation et dérivation, ces plate-formes CMS (Content Management System) donnent la priorité à la création et à la mise en forme des contenus et amoindrissent considérablement le casse-tête de la conception et du développement. Quelques clics suffisent pour créer et mettre à jour un site Web au style très professionnel / commercial. Aujourd'hui, le webdesigner télécharge ou dérive des templates (dans la myriade des thèmes Wordpress/Drupal/HTML5 disponibles), installe des plugins (Woocommerce, Paypal, SEO, WP Better Security, etc) et retouche la photographie commerciale (vive les banques d'images à gogo!) avec Photoshop/Lightroom ou The Gimp. Moins de code, plus d'infographie.
En voiture, à vélo, en randonnée, à la gare, à l'aéroport ou au bar/restaurant, je photographie régulièrement et spontanément des objets, des perspectives ou des scènes qui grossiront ma banque personnelle d'images, subiront mes délires à la sauce Adobe et finiront dans le thème Wordpress d'un client. Quelle déveine !
Facebook. Facebook. Facebook. L'ogre du Web ne cesse d'élargir sa panoplie de solutions virales comme l'abonnement aux mises à jour, le partage d'agendas événementiels, l'intégration de vidéos et les boutons d'appel à l'actions qui font concurrence aux pages Web a fortiori lorsqu'un community manager optimise la visibilité ou l'impact d'une marque sur Facebook, Twitter, Linkedin et Google+.
L'intelligence artificielle. Le principe : l'utilisateur « uploade » ses contenus texte, images et vidéos (via l'app Android/iOS/Windows ou l'extension Google Chrome) vers cette plate-forme qui publie ensuite un site Web adapatif en 3 minutes avec la palette de couleurs adéquate et les images savamment retouchées. La prise en main de l'application s'effectue avec dessliders. Crée pendant l'été 2015, TheGrid sonne le glas du design Web et fera certainement des émules. Cette IA dédiée au design Weben apprend chaque jour un peu plus sur les préférences de ses abonnés (plus d'une centaine de milliers à ce jour) afin de suggérer ou d'implémenter les plus recommandables modifications/améliorations (couleurs, mise en page, retouche d'images, etc) sur leurs sites Web et de standardiser les mises en page en fonction des secteurs d'activités, des thèmes, des codes couleurs et divers paramètres. Tarif mensuel : 7 €, tarif annuel : 85 €.
En réalité, The Grid est autant une killer app férocement disruptive pour le design Web et qu'une expérience utilisateur conviviale et immédiate. Ce n'est qu'un début. Demain, les PME et les particuliers créeront de superbes sites Web comme nous publions sur Wordpress, Facebook ou Twitter. Le design Web dans sa splendeur d'antan sera une niche réservée à de (très) gros clients généralistes ou spécialisés (grande distribution, industrie, recherche scientifique, gouvernements, banque/finance, assurances, B2B, gestion en ligne, etc), mus par des besoins très particuliers et donc soumis à des cahiers de charges très spécifiques et faisant appel à une armada de développeurs et de designers.
Designer UX
Le design Web est certes mort mais le webdesigner a de beaux jours devant lui, pour peu qu'il analyse sereinement la situation pour mieux se réinventer ou élargir ses compétences.
En effet, le design Web a considérablement influencé l'impression, le conditionnement (ou packaging), les interfaces logicielles et matérielles. Il suffit de jeter un œil aux brochures infomerciales, à la signalétique des centres commerciaux, aux emballages, aux smartphones/tablettes et aux apps pour se faire une idée de cet héritage... et de toutes ces routes qui mènent à Rome. À l'ère des systèmes d'exploitation mobiles et des objects connectés, les pages Web ne sont plus le cœur mais les éléments parmi tant d'autres d'écosystèmes incluant les applications mobiles, les API, les menus interactifs, la géolocalisation augmentée, les moteurs de recherche, les services numériques à la clientèle, la datavisualisation, les indications infomerciales dans le monde réel, etc.
Dès lors, la créativité n'est plus confinée au design Web mais s'étend à l'expérience utilisateur (UXdesign : User Experience Design) d'une marque, d'un produit, d'un service, d'un point de vente et peut-être d'un ouvrage (livre, ebook, brochure, manuel, etc). Au final, il revient au webdesigner de muer en UXdesigner (ou designer d'expérience utilisateur ?), profil qui sera abordé dans mon prochain article.
Entretemps, découvrez ce métier en regardant cette vidéo des UXdesigner Jose Caballier & Chris Do et en lisant l'ouvrage gratuit Interaction Design Best Practices: Mastering the Tangibles. Francophones pur jus s'abstenir.