C’était une ancienne envie de Claude : visiter la maison du célèbre fabuliste. Et c’est toujours émouvant de pénétrer dans la maison où vécut et a travaillé un écrivain, un des rares dont nous connaissions par cœur des centaines de vers, qui nous a enchantés depuis notre petite enfance. Nous avons donc fait le voyage tout exprès, par cette radieuse journée de fin d’été. 85 km, ce n’est pas la mer à boire …
La petite ville se niche au pied des massifs vestiges de son château médiéval, ratiboisé depuis longtemps. Elle a été lourdement bombardée pendant la première guerre mondiale et en 1940 – les ponts sur la Marne étaient particulièrement visés - et présente l’architecture caractéristique de la reconstruction en style « dommages de guerre », ressemblant en cela à toutes les villes des bords de Loire … La rue Jean de La Fontaine – ainsi nommée seulement en 1792 ! – longe les fossés du château et donne dans la Grand-rue. Une sous-préfecture d'un peu moins de 15 000 habitants, qui ressemble à des milliers d'autres (sauf peut-être le théâtre à la façade pur Art Déco ...
L’hôtel particulier où est né le fabuliste en juillet 1621 est une belle maison de tuffeau, de style Renaissance, agrémentée d’un beau jardin. L’émotion commence en foulant le sol de tomettes, le plus souvent éclatées … En fait, nul meuble ni objet n’ont été conservés mais la mise en scène muséographique est bien faite, avec un thème partout répété : les fables, évidemment.
Un film très fouillé évoque la carrière de l’écrivain : bien plus complexe que l’on se l’imagine en réalité. Avocat au parlement de Paris en 1649, il s’est marié deux années plus tôt avec une jeune fille présentée par son père, pour laquelle il professera la plus stricte indifférence. En fait, il fréquente les poètes, vit entre Paris et Château-Thierry où il a acheté à son beau-frère la charge de Maître des Eaux et Forêts et capitaine des chasses du duché, charge qu’il cumulera avec celle héritée de son père en 1652. Il revendra ces charges en 1672. Et la maison familiale en 1676. Jean de La Fontaine rencontre le succès en 1668 avec la publication de son premier recueil de fables.
Mais il écrit bien d’autres œuvres : des contes licencieux, des pièces de théâtre et même un livret d’opéra. Il s’inspire des poètes antiques, dont Esope. Dans la querelle des Anciens et des Modernes, il prend le parti des Anciens.
C’est un rebelle, libertin, endetté, qui s’installe chez de riches protectrices comme la duchesse de Bouillon, la duchesse douairière d’Orléans, Madame de La Sablière. Longtemps dans l’écurie de Nicolas Fouquet qui lui versait une pension en contrepartie de laquelle La Fontaine lui livrait des vers, il lui restera fidèle même après la chute du surintendant.
La Fontaine fréquente les jansénistes, est ouvertement opposé à Colbert : tout pour se rendre insupportable à Louis XIV.
Son objectif est d’entrer à l’Académie française. Il en a l'occasion justement à la mort de Colbert. Il y est élu une première fois contre Boileau mais le Roi bloque son installation jusqu’à ce qu’un nouveau fauteuil se libère. Jean de La Fontaine est alors admis à siéger en 1684 …en même temps que son adversaire Boileau (mais qui se souveint de Boileau aujourd'hui ?).
Jean de La Fontaine meurt en 1695, vraisemblablement de la tuberculose, toujours écrivant, toujours aussi « opposant » … Visiter sa maison donne envie de découvrir ou redécouvrir ses œuvres.