Tandis qu'Apple Pay montre quelques signes d'essoufflement aux États-Unis, le succès du paiement mobile ne se dément pas à l'autre bout de la planète, au Kenya. Afin de maintenir l'avance de sa solution M-PESA, l'opérateur de télécommunications Safaricom ouvre désormais sa plate-forme aux développeurs tiers, par l'intermédiaire d'API.
Ces « Interfaces de Programmation Applicative » se veulent simples d'accès et ne délivrent donc – pour l'instant, du moins – que des fonctions essentielles : les paiements (instantanés, s'il vous plaît) de biens et services (applicables aux établissements facturiers comme au commerce en ligne), les règlements des entreprises (pour le versement de salaire ou les échanges B2B, par exemple) et les transactions de compensation (permettant de traiter automatiquement les erreurs et autres cas de remboursements).
Ainsi armés, les développeurs, qu'ils soient kenyans ou d'ailleurs, sont mis au défi par Safaricom de produire encore plus de concepts innovants. Les premières idées envisagées concernent l'intégration des paiements dans d'autres applications, à destination des consommateurs ou des entreprises, en vue de faciliter et accélérer les transferts d'argent. Au vu de la pénétration actuelle du porte-monnaie mobile M-PESA, il fait relativement peu de doute que l'initiative va connaître un succès fulgurant.
Incidemment, cette certitude est renforcée par l'émergence d'une scène entrepreneuriale africaine extrêmement dynamique. Même si la FinTech n'est pas encore tout à fait d'actualité, il ne faut probablement pas voir un hasard dans l'annonce – simultanément au lancement des API – de la sélection de la troisième promotion de l'AppWiz de Safaricom, qui va donner l'occasion à 13 startups locales – sélectionnées parmi plus de 300 candidates – de profiter d'un programme d'incubation de 3 mois.
Certes, le Kenya est lointain est très différent de nos pays « développés ». Il n'y a pas moins matière à prendre quelques leçons de ces dernières évolutions de l'aventure M-PESA. La première concerne les enjeux de la modernisation. Bien que créée il y a seulement 7 ans, la plate-forme de paiement mobile commençait à atteindre ses limites. Consciente de cette faiblesse structurelle et de la menace qu'elle représentait, Safaricom n'a pas hésité à la refondre (à l'occasion d'un rapatriement depuis l'Allemagne).
D'autre part, la création d'API est une extraordinaire démonstration de clairvoyance qui fait cruellement défaut à (presque) toutes les autres institutions financières de la planète. Le Kenya n'est pourtant pas aujourd'hui – ai-je tendance à croire – le pays le plus demandeur pour ce genre d'ouverture. Mais ses promoteurs sont convaincus que celle-ci va nécessairement s'imposer à moyen terme. Il vaut alors mieux prendre les devants, afin non seulement de créer une différence concurrentielle mais également d'apprendre à manipuler un modèle un peu étrange et déroutant pour un acteur « traditionnel ».