L’ultra haute définition 4K est sur toutes les lèvres depuis quelques semaines. Mais certaines de ces lèvres sont attachées à des bouches qui auraient peut-être intérêt à se taire. Voici pourquoi.
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On en parle depuis des années. Les manufacturiers de téléviseurs, surtout, en parlent depuis le jour où ils se sont rendu compte que personne ne voulait de la télé en 3D, soit à peu près 14 secondes après le lancement du premier téléviseur 3D. Mais depuis quelques semaines, on parle de la 4K plus que d’habitude. Est-ce que, cette fois-ci, c’est vraiment la bonne?
Il y a des signes encourageants, mais pas pour tout le monde. Et il ne serait pas étonnant que les Québécois soient particulièrement mal servis en la matière.
Le matériel
Les meilleures nouvelles proviennent du côté du matériel. Au Québec, les premiers soubresauts de la plus récente vague sont venus de chez Vidéotron, qui a récemment annoncé un enregistreur numérique personnel 4K. Puis, il y a quelques jours, Samsung a dévoilé les premiers lecteurs Blu-ray 4K, qui feront enfin leur entrée sur le marché l’an prochain.
La disponibilité de ces périphériques rendra la 4K plus attirante aux yeux du commun des mortels en attendant la connexion nécessaire pour regarder Netflix en 4K toute la journée.
Bon, dans le cas des lecteurs Blu-ray, on est en droit de se demander s’ils n’arrivent pas deux ans trop tard pour sauver une industrie défaillante : les disques numériques (DVD et Blu-ray), dont les ventes ont plongé de 8,1% en 2013 et d’un autre 10,9% en 2014, ont bien du mal à soutenir la concurrence de Netflix, YouTube et leurs semblables.
N’empêche que la disponibilité de ce genre de périphériques aura quand même de quoi rendre la 4K plus attirante aux yeux du commun des mortels en attendant que la connexion Internet moyenne soit assez rapide et généreuse de sa bande passante pour que l’on puisse regarder Netflix en 4K toute la journée.
Une bonne nouvelle pour les fabricants de téléviseurs, dont les ventes ont été déprimantes au cours des dernières années et qui comptent sur la 4K pour convaincre les consommateurs de remiser leurs écrans géants de 65 pouces 1080p dans la chambre du petit dernier.
Enfin du contenu! Du moins, un peu…
À condition, bien sûr, que les producteurs de contenu suivent la parade. Aux États-Unis, ça ne devrait pas être trop compliqué : l’industrie du cinéma tourne déjà en 4K, 5K ou mieux depuis un bon bout de temps, et les grands studios hollywoodiens qui produisent la plupart des émissions de télé ont largement les moyens de rentabiliser l’équipement nécessaire au passage à l’ultra haute définition.
Au Canada, par contre, ça ne sera peut-être pas une mince affaire. D’abord, les producteurs sont souvent des indépendants dont les portefeuilles n’ont pas encore digéré l’achat d’équipement HD. Ensuite, le jour où les diffuseurs disposeront de la bande passante nécessaire pour transmettre un signal 4K sans une compression abominable est loin d’être arrivé. Or, dans l’écosystème télévisuel québécois, c’est encore la diffusion traditionnelle qui décide de tout – le DVD, le Blu-ray ou la diffusion en ligne restent bien marginaux dans la plupart des budgets. Autrement dit, les coûts du passage à la 4K sont élevés et immédiats, tandis que les bénéfices sont hypothétiques et lointains.
Pas étonnant que l’offre initiale de Vidéotron ne comporte qu’une seule télésérie originale canadienne en 4K.
De la 4K pour qui, au juste?
Et bien sûr, tout ce bel édifice dépend aussi de la volonté des consommateurs. Or, si la différence entre une image 1080p et une image 4K est notable, elle est loin d’être aussi majeure que celle entre un signal télé en basse résolution et un signal HD. Pour le consommateur, la qualité accrue de la 4K justifie-t-elle de dépenser encore des centaines ou des milliers de dollars pour un nouvel écran?
C’est une question qui se pose, d’autant plus que pour que l’œil humain soit capable de discerner tous les pixels d’une image 4K, il faut être assis drôlement près de son écran. Dans le cas d’un téléviseur de 50 pouces, il faut se placer entre un et deux mètres de celui-ci; une position qui s’apparente plus à celle de l’utilisateur d’un ordinateur qu’à l’expérience télévisuelle de salon traditionnelle.
Quand trop, c’est trop
Ce qui m’amène à vous demander si vous pouvez m’expliquer pourquoi Sony, qui a bien d’autres problèmes à régler dans la vie, s’est mise dans la tête de lancer un téléphone intelligent 4K?
Ben oui, figurez-vous que l’écran de 5,5 pouces du téléphone Xperia Z5 Premium de Sony a une définition de 3 840 × 2 160 pixels, pour une densité astronomique de 806 pixels par pouce.
Pour que l’œil humain moyen soit capable de distinguer chaque pixel d’une image 4K sur un écran de 5,5 pouces, il faut tenir l’écran à environ 1 cm de ses cornées.
Ça paraît bien, comme ça, de dire qu’on a l’écran le plus avancé au monde – ou du moins, avec les plus petits pixels. Mais pour que l’œil humain moyen soit capable de distinguer chaque pixel d’une image 4K sur un écran de 5,5 pouces, il faut tenir cet écran à environ un centimètre de ses cornées.
Dans mon cas, ça voudrait dire pratiquer une belle grosse ouverture dans le milieu de l’écran pour y faire passer mon gros nez, sans parler des problèmes de strabisme qui ne manqueraient pas de se manifester après un ou deux vidéoclips.
Un écran Retina, c’est bien. Un écran collé sur mes rétines, non merci.
Est-ce le temps?
Pour le moment, il semble bien que la 4K demeurera une technologie réservée aux films et aux téléséries, surtout d’origine américaine, que l’on ne regardera pas en direct. Si vous êtes friands de ce genre de choses, 2016 pourrait être le bon moment pour faire le saut : les choix seront nombreux.
Par contre, les amateurs de sports, d’informations et d’événements que tout le monde regarde en même temps vont devoir attendre encore un peu. Ou peut-être beaucoup.
Et si vous ne consommez que de la télévision québécoise, j’ai bien peur qu’il faille prendre votre mal en patience.