En remontant du travail ce soir, dans ma voiture, j’écoutais Nina Simone "Trouble in mind " (sur Pastel blues, 1965), et je pensais que je n'aurais certainement pas eu l'occasion ou l'opportunité (le goût aussi ?) d'écouter ce genre d'album dans le passé, mettons...15, 20 ans en arrière ?
La "sobriété" (toute relative, car Nina Simone est une artiste dont les enregistrements, donc ceux ci, relativement "anciens", sont plutôt secs pour le profane) pourrait d'ailleurs être comparée quelque peu à celle de notre Brigitte Fontaine nationale... Son jazz assez classique mixe cependant une bonne dose de blues (et quel blues, cf l'entrée fracassante avec Be my husband) et une folie toute personnelle, qui fait de chaque écoute une expérience assez exceptionnelle.
Je me faisais donc cette réflexion, et repensais à ma précédente compilation de l'artiste, un CD assez commun, à bas prix, acheté à l'aube des années 90, pour parfaire à ma culture et réécouter le tube qui avait à nouveau agité les ondes : My baby juste care for me. Un CD assez peu emballant sur la longueur, où quelques titres connus arrivaient néanmoins à retenir mon attention. Mais ces compilations bon marché ne sont pas ce qui se fait de mieux en discographie, surtout lorsque comme moi, on s'intéresse aux artistes. (Je crois d'ailleurs maintenant me souvenir que cette compilation m'avait été gentillement offerte par ma petite soeur.) A cette époque, j'avais aussi acquis à Roanne, place du marché, chez Musiques et livres, un vinyle de jazz (mon premier il me semble, nous étions en 1989). Il s'agissait d'une compilation de 1987 de Earl Hines, chez Vogue, dans la collection Jazz time. Pas que je connaisse particulièrement ce grand pianiste des années 30/40/50, mais dans cette boutique plutôt revendeuse de vinyles (c'était la grande époque où la plupart des familles se débarrassaient de leurs disques pour passer au CD), on trouvait plutôt du rock, et, souhaitant alors élargir mes horizons, je m'étais lancé dans un début de découverte du style jazz, que je ne connaissais alors que très vaguement.
Mon frère, grand précepteur de rock devant l’éternel devait alors posséder une compilation de Miles Davis*, une ou deux K7 de jazz vocal, une ou deux bandes de films quelque peu jazz, et une k7 de Miles récente : son album Under arrest de 1985, qui m'avait laissé pantois. Autant dire que cette introduction débridée au jazz n'était pas faite pour me séduire. D'autant plus que l'époque était donc à la fusion et que l'acid jazz qui allait, pour pas mal de monde, sonner le glas des années de vaches maigres pour ce genre musical, (le jazz), commençait tout juste à percer en France.
Je ne remercierai d'ailleurs jamais assez la Medwey scene, dont l'organiste des Prisoners : James Taylor et son quartet, furent partie prenante du mouvement Acid jazz, qui remis le jazz groove des années 60 au goût du jour, et permis à de nombreux novices comme moi de trouver une descendance/porte d'entrée pour cette exploration nécessaire et bienfaitrice.
Étant passionné de Rock, de Psyché, puis de Rhythm'n'blues anglais, puis de Blues et de Soul, cette scène Acid jazz fut le chainon manquant pour joindre les styles et les époques. La découverte de l'aspect historique et discographique se poursuivit des 1997 grâce au secteur audiovisuel de la médiathèque, que j'intégrais, dés sa création. Après avoir commencé à digérer le fonds de base, je participais alors rapidement à son augmentation, et plus précisément le rock, la pop, la soul, le blues, et...le Jazz. Tout cela mâtiné de lectures essentielles. Autant dire que les années 1998-2006 furent le parfait terreau de ma culture jazzistique : Bop, Hard bop, Free Jazz, Latin, ou plus atmosphérique : labels Act, ECM...etc.
Depuis, j'ai quitté ce secteur, fort de références bien intégrées, d'autres lectures, de quelques concerts, et de l'expérience de mon ami Claude, autre amateur éclairé, qui lui aussi, mais dans d'autres circonstances et d'autres dimensions à monté une collection jazz digne d'intérêt, dans laquelle j'ai pu aussi puiser. ;-)
Donc : Nina Simone ! Et bien ce double CD regroupant 'Pastel blues" et ' Let it all out" (1965 et 1966) vient justement des bacs de cet ami (toujours disquaire indépendant, après...presque 20 ans de bons et loyaux services). ...Je l'ai "choisi" récemment, parmi les deux ou trois Simone qu'il avait à ce moment là en occasion, car je pouvais, à l'inverse de l'époque précitée, me repérer un tant soit peu dans sa discographie. (Il faut dire qu'entre temps, Internet a bien aidé à cela ;-)) Et si j'ai choisi ces disques datés 1965 et 1966, bien m'en a pris, car il s'avère qu'ils font partie de ses meilleurs. Et j'en apprécie la substance dans mes oreilles...en ce moment même.
(*) La compilation double album de 1975 "Dig", réunissant des enregistrements des années 51 à 53.
A lire, écouter.. une belle note consacrée à la version de Nina de "Work song", sur le EB sound marketing blog.