Ségolène Royal, ministre de l'écologie, a déclenché une controverse en rappelant les conditions de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, laquelle pourrait n'être effective qu'en 2018. Cette déclaration est pourtant conforme au dispositif récemment voté par les députés et sénateurs dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Selon ses propos repris par la presse, Ségolène Royal, ministre de l'écologie, a déclaré : "Il y a l'application de la loi, c'est assez simple maintenant puisque effectivement il y a un plafonnement de la production d'énergie nucléaire. Ce qui veut dire que quand Flamanville ouvrira, Fessenheim devra fermer. Donc, Flamanville va ouvrir d'ici à 2018. Et donc en effet, Fessenheim devra fermer".
Cette déclaration a suscité une polémique. Pourtant, si elle est peut être imprécise, elle est assez juste si l'on se réfère aux dispositions de l'article 187 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Cet article 187 modifie le régime juridique de l'autorisation d'exploiter un ouvrage de production d'électricité. Il a notamment pour effet d'insérer un article L311-5-5 ainsi rédigé au sein du code de l'énergie :
"L'autorisation mentionnée à l'article L. 311-1 ne peut être délivrée lorsqu'elle aurait pour effet de porter la capacité totale autorisée de production d'électricité d'origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts.
L'autorité administrative, pour apprécier la capacité totale autorisée, prend en compte les abrogations prononcées par décret à la demande du titulaire d'une autorisation, y compris si celle-ci résulte de l'application du second alinéa de l'article L. 311-6."
Pour mémoire, ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Elles ont pour vocation de stabiliser la capacité totale autorisée d'électricité à sa valeur actuelle, soit 63, 2 Gw. Pour ce faire, le dispositif créé par la loi s'apparente à celui des vases communicants : pour qu'une nouvelle autorisation d'exploiter puisse être délivrée, une autorisation d'exploiter déjà délivrée doit préalablement être abrogée.
Il n'est donc pas erroné de préciser que l'autorisation d'exploiter l'EPR de Flamanville devra être précédée de l'abrogation d'une autorisation d'exploiter préexistante, par exemple celle délivrée à la centrale de Fessenheim (pour un ou plusieurs réacteurs).
Il convient de préciser que ce mécanisme d'abrogation pour assurer le plafonnement de la capacité nucléaire doit être mis en œuvre plusieurs mois avant la mise en service d'une nouvelle installation. L'article L.311-5-6 du code de l'énergie dispose en effet :
"Lorsqu'une installation de production d'électricité est soumise au régime des installations nucléaires de base, la demande d'autorisation d'exploiter mentionnée à l'article L. 311-5 du présent code doit être déposée au plus tard dix-huit mois avant la date de mise en service mentionnée à l' article L. 593-11 du code de l'environnement, et en tout état de cause au plus tard dix-huit mois avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 593-8 du même code."
Ce faisant, est-il déjà possible de conclure que le Chef de l'Etat aurait manqué à sa promesse de "fermer Fessenheim" ? Tout dépend de l'interprétation de cette promesse. S'agit-il de prendre la décision de fermer cette centrale avant 2017 ou de prendre cette décision et d'achever toute la procédure de mise à l'arrêt avant 2017 ? Les années passant, la première interprétation s'impose. Eu égard aux termes de l'article L.311-5-6 précité, nous devrions être rapidement fixés sur cette prise de décision.
En octobre 2012, quelques mois après l'élection de François Hollande, j'avais écrit ici, que le droit nucléaire alors en vigueur ne permettait pas à l'Etat d'ordonner la mise à l'arrêt d'un installation nucléaire de base contre l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire. Il était donc très peu probable que, sans nouvelle loi, l'Etat prenne une telle décision avant 2017.
A la suite du vote de la loi relative à la transition énergétique, en droit, l'Etat a désormais la possibilité, d'ici à la fin du mandat de l'actuel Président de la République, d'abroger l'autorisation d'exploiter en vigueur pour la centrale nucléaire de Fessenheim. Mais cette abrogation à la demande de l'exploitant n'interviendra sans doute pas avant que ne soit présentée la demande d'autorisation d'exploiter de l'EPR de Flamanville. Ce que rappelait Ségolène Royal, toute considération politique mise à part.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats