« Sculpter, c’est ôter la chair jusqu’à sentir sous ses doigts le squelette … la substance originelle de toute chose. »Cette phrase de Guillaume Couffignal et qui caractérise si bien ses oeuvres épurées, comment ne pas se l’approprier en contemplant les peintures d’Aditi Lago ? Car c’est un véritable théâtre de la cruauté qu’elle nous donne à voir, personnages décharnés et inquiétants, désarticulés et monstrueux, chimères trop humaines pour être laissées là sans un regard.
Jean-Jacques Mandel ne s’est pas trompé à réunir ces deux là. L’un avec ses pirogues, ses théâtres, et leur air de ruines intemporelles, survivances de mondes déjà morts ; et l'autre, avec ses êtres « aux limites »… de la vie, de la mort, de l’humain.
En face d’eux, la matière. Epaisse, croûteuse, parfois dégoulinante. Face à l’épure, l’amoncellement, la superposition,l’entassement..
La présence ici ne surgit qu’en effaçant l’objet ; on l’enveloppe, le couvre ; on le cloue, le transperce ; on noue, on ligote…
Si Guillaume Couffignal et Aditi Lago mettent à nu, découvrent pour mieux trouver la vérité des êtres et des choses ; avec les objets vaudou que Jean-Jacques Mandel nous donnent à voir, c’est le secret qui est en acte de création.
Face à un personnage qui hurle, les cadenas emprisonnent la parole. Face à des couples improbables et mis à distance, les couples vaudous s’enlacent, trop empêtrés dans leurs noeuds et leurs ligatures.
Un univers sombre se met en place où surgissent encore quelques masques africains, des masques de maladie, d’exorcisme, de véritables « gueules cassées »…
Pourtant dans cet après midi automnal, le soleil caressait la devanture de la galerie, cajolait ses grilles faites pour retenir ces "trop pleins d'âmes"... et conférait de la douceur aux choses.
Ce n'était pas simplement dû à la tranquillité de cette fine statuaire Lobi qui s'étalait dans la pièce, pleine de grâce ; mais aux objets vaudou eux-mêmes, par leur matériau, là du cuir, du tissu ; par certaines de leurs expressions. Ces figurines devenues l'espace d'un instant des créatures sensibles, dégageaient une certaine bienveillance. Telle était pourtant et bien souvent leur fonction première !
Tout semblait possible et l'on se plaisait à imaginer dans les tableaux d'Aditi Lago des "Happy ends" de contes de fée plutôt que l'urgence de situations désespérées !
à voir au Showroom éphémère - 15 place Séverine - 93310 - Le Pré St Gervais (uniquement sur RDV 0603124911)
Photos : de l'auteure et de Jean-Jacques Mandel.