Astier

Par Gourmets&co

… une cuisine de qualité, de terroir, de plats revigorants à des prix abordables …

Au moment où les plats de bistrot montre à nouveau le bout de leur nez, où certains jeunes troublions se lancent dans la transgression en servant une côte de porc purée de pommes de terre, où certains grands chefs en tout cas par le talent ouvrent des annexes qui fleurent bon le terroir de leurs lointaines origines en nous servant des assiettes que leurs grand-mères, bien sûr excellentes cuisinières, n’auraient pas renier. Bref, nous vivons une époque confuse et ce n’est pas fini. Les habitants des grandes métropoles rêvent de nature idéalisée, et les paysans disparaissent au moment où ils sont vénérés par des urbains en mal d’identité et de racines.

Alors, au milieu de cette joyeuse confusion, on se tourne vers les ancêtres, ceux qui n’ont jamais abandonné le boudin noir, le bœuf bourguignon ou le hachis Parmentier et qui ont toujours servi le jambon avec le gras et des sauces riches avec les viandes. Une nourriture goûteuse mais qui en ces temps de disette morale et intellectuelle, a au moins le mérite de nourrir son homme et il est rassurant de se trouver nez à nez avec une belle assiette pleine et fumante.

Astier est de ceux-là. Depuis sa naissance dans les années cinquante, il n’eut de cesse de proposer, parfois contre vents et marées, une cuisine de qualité, de terroir, de plats revigorants à des prix pour le moins abordables. A travers les divers propriétaires au fil des décennies et jusqu’à aujourd’hui avec Frédéric Hubig-Schall, cette volonté sinon cette philosophie est restée la ligne directrice de la maison.

En prime, sans oublier ni renier son âme, le décor s’est vu rajeunir, avec de nouvelles tables sans nappes à carreaux mais toujours avec les serviettes, plus d’espace, plus de clarté, plus aéré, et osons le dire plus actuel mais moderato. Un peu comme la cuisine qui se sophistique doucement sous la houlette des deux chefs : Nicolas Frezal qui vient du Ritz et Cyril Boulet qui est passé par Veyrat, Robuchon, et Troisgros. C’est sûr, ça vous marque et donc Astier en subit le contre coup. Une belle carte, riche, variée, où l’on retrouve des harengs, du porc, du lapin, des pieds de cochon, du foie de veau mais travaillés dans l’esprit du temps d’un classicisme revisité, aux alliances plus recherchées.

Pour ne pas décevoir les anciens ni les nouveaux classiques, les chefs proposent deux plats « canaille » à 15 €, terminologie du moment pour désigner des recettes qui fleurent bon un passé lointain à base de produits issus des rituels campagnards. Ce jour-là, une Ballotine de volaille panée au lard fumé et pistache, pommes de terre au thym citron et de bons Encornets sautés à l’ail doux, artichauts poivrades, petits pois gourmands, fort copieux et bien faits.

Auparavant les entrées comme le très beau Marbré de foie gras aux artichauts, caramel à la sauge est fort bien réalisé, présenté, et surtout bien travaillé sur une alliance foie gras/artichauts des plus délicieuses.

La Soupe glacée de courgettes et de radis rouge est un délicat mais copieux plat de saison, rehaussé par un bel émietté de tourteau aux herbes fines, le tout d’une belle fraîcheur.

Paradoxalement, ce sont les plats qui vont pêcher par un manque ténu de saveurs, penchant légèrement sur un douce fadeur malgré des ingrédients de qualité comme le Râble de lapin farci et rôti, olives vertes et lard fumé (peu présents) servi avec une très bonne purée de pommes de terre mais, étonnamment, avec quelques poivrons rouges coupés court qui basculent le plat sur autre chose, sans être évident.

En dessert, le Baba au rhum Astier est le monument de la maison, le phare, à tel point que la serveuse nous le présente comme « le meilleur de Paris ». En fait, est-ce vraiment un baba ? Certes il est beau, volumineux, aérien, savoureux, mais il est plus proche d’un savarin que d’un baba, le rhum dont il est imbibé est coupé d’un sirop sucré pour amadouer l’alcool, et il est servi chaud ! Mais la chantilly est bien là… Sinon, c’est une belle bête douce et fort agréable.

Carte des vins totalement remarquable en Bourgogne, Bordeaux et Côtes-du-Rhône, timide sur les autres appellations, et surtout des entrées de gamme entre 30 et 40 € pour de belles bouteilles. Les vins au verre sont dans le même esprit, entre 6,50 et 9 €, dont un Vacqueyras rouge, cuvée « Doucinello », du domaine Le Sang des Cailloux en 2012, absolument parfait sur le lapin.

Une bien belle maison, bien agréable sur cette placette ombragée, avec un accueil et un service parfait de gentillesse et de convivialité, et surtout une cuisine qui vous laisse finalement satisfait et rassuré sur la pérennité du bon Astier. On en a besoin…

44, rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
Tél : 01 43 57 16 35
www.restaurant-astier.com
M° : Parmentier
Fermé du 1er au 15 janvier
Fermé lundi et mardi en été
Menu Classique Astier : 45 € (3 plats)
Carte : 50 € environ
Plats « canaille » du lundi au vendredi : 15 €
La Côte de veau de tradition française (pour 2 personnes)
Avec girolles et pommes grenailles : 38 € par personne