Les peuples colonisés, occupés, tentant déséspérément de faire entendre leur voix, ont utilisé le verbe, la poésie, le roman plus que l’image, me semble-t-il. Et quand ils parviennent à produire films ou photos, au Viet-Nam par exemple, ce sont en général des images militantes, guerrières, engagées. Le dominant, lui, a abondamment documenté la vie quotidienne du colonisé : administrateurs et missionnaires ont rempli des albums de photos exotiques, orientalisantes ou de bons sauvages.
Mais, en regard, des photos de tous les jours prises par les acteurs mêmes sont rares. Des photos du quotidien où le conflit, la guerre, l’oppression n’apparaissent qu’en filigrane, ne sont présents que dans les marges, forment le contexte inoubliable mais qu’on tente de mettre entre parenthèses un instant pour jouir du moment présent. Des photos de mariages, de réunions familiales, de baignades, de mères nourrissant leur bébé, des photos de boutiques où trône l’image iconique du patron. Rien de militant, aucune violence, sinon celle subie en silence; ainsi, des oliviers arrachés qu’on replante. On peut, optimiste, y lire de l’espoir, ou, militant, de la résignation. Mais ce n’est que la vie toute simple, trop rarement chantée sous de telles latitudes.
Le Gazaoui Taysir Batniji (n°2 : de la série Mer, et n°3 : de la série les Pères) et la Hiérosolymite Rula Halawani (n°1 : Un homme âgé plaisante avec un baigneur de la piscine publique du vilage de Kubar, et n°4 : La récolte des olives) exposent de telles images sur le Pont des Arts jusqu’au 30 juin. D’autres sont à la Maison des Métallos, dont je reparlerai.