Voici un livre peu connu qui m’a toujours laissé une étrange impression.Je l’avais acheté, séduit par le graphisme très particulier de C.S. Morse (qui signe Scott Morse sur la réédition), sans rien savoir du sujet. Il se dégage une certaine chaleur de ce trait rond au trait délié. L’auteur démontre aussi une belle maîtrise en terme de composition et propose une narration très fluide.Par contre, le sujet de ce livre me laisse plus circonspect.Dans le préface, l’auteur confesse sa fascination pour les fantômes et les esprits. Mais il regrette que, trop souvent, les esprits qui apparaissent dans les histoires soient malveillants. Ainsi est née son envie de réaliser ce recueil mettant en scène des esprits bienveillants. Pour Scott Morse, cela semble impliquer exclusivement l’imagerie chrétienne des anges et de la Vierge.
Dans Visitations, une femme dévastée entre dans une église, espérant s’y isoler. Survient le prêtre qui engage la conversation. Lorsqu’elle émet des doutes sur l’existance de Dieu, le prêtre entreprend de la détromper. Il saisit le journal du jour et prend le pari de trouver l’influence divine dans 3 articles qu’il choisira au hasard. Ce mécanisme narrative repose sur une vieille recette de la fiction prosélyte: un sceptique, de préférence en détresse et/ou en colère, face à un croyant, évidemment heureux, qui lui apporte le réconfort en démontrant l’existence de Dieu-qui-est-amour.La ficelle est éculée et s’accompagne d’une démonstration lourde et naïve. J’étais alors tenté d’abandonner la lecture, peu intéressé par le prêchi-prêcha qui s’annonça. Mais puisque le livre était court, j’ai continue la lecture sans guère d’illusion. En effet, les deux premiers récits sont poussifs et maladroits. Au commencement de la dernière histoire, j’étais résigné. C’est alors que dans son ultime pirouette, Morse m’a pris par surprise. Si sa chute est cousue de fil blanc, elle amène parfaitement la conclusion qui est plus ambiguë que je ne le craignais. Je me suis même senti sincèrement ému, d’autant plus que Morse y renonce un temps à ses bondieuseries: plus d’anges nimbés de lumière, plus de vierge en larmes… Morse s’y montre même subtil et suffisamment mystérieux pour laisser la Grande Question en suspens, préférant en finir sur une note intime et pudique.
A vrai dire, je ne comprends pas vraiment où l’auteur veut en venir. Sa conclusion ne semble pas cohérente avec ce que le livre semblait être au départ: un récit édifiant de rédemption chrétienne (la “renaissance” des born again Christians). Mais la maladresse des premières histoires déforce la dernière.Et pourtant…A chaque relecture, je me surprends à sentir de nouveau cette émotion qui m’avais saisi la première fois. Pourtant, l’effet de surprise ne joue plus.Pourquoi Visitations me touche toujours autant ?Je ne saurais le dire. Mais c’est sans doute parce que, malgré ses maladresses, C.S. Morse a du talent.