Lundi matin. Pour ma revue de presse d’actu, je me promène sur google actu puis sur Twitter, comme chaque matin. La routine. Miley Cyrus est en trending topic. Un jour avant, elle présentait les VMA et par la même occasion, elle dévoilait gratuitement l’intégralité de son nouvel album. Guess what ? Ce n’était pas pour cette raison-là –pourtant plus légitime- qu’elle buzzait ce matin. Non, sur les sites, gros ou petits, spécialisés ou pas, on préfère plutôt s’épancher sur les micro-tenues extravagantes de la jeune femme ou encore sur son clash qui l’opposait à Nicky Minaj. Cette dernière, l’a traitée de « bitch ». C’est comme ça qu’on en parle, de la musique, pour que les personnes soient interpellées. Aujourd’hui, on le sait, les histoires de fesses et les histoires de baffes c’est plus intéressant, ça clique, on en parle à la machine à café, dans les cours de récrés, en attendant le métro. Bien sûr, il y a des sites qui ont parlé de l’album. Certains l’ont chroniqué et l’ont jugé pas mauvais du tout. Voire bon. Et, le plus drôle, ce sont les commentaires qui se sont glissés sous les articles, ou sur Facebook. On s’offusque. Enfin, comment une personne qui twerke, qui fume de la weed, montre ses tétons outrageusement pourrait faire de la bonne musique ? Enfin, comment MILEY CYRUS, ex-petite poupée Disney, plus connue pour ses frasques que pour autres choses pourraient sortir quelque chose d’audible. C’est là, le problème. Et c’est à cause de nous, médias, que Miley Cyrus est une artiste qu’on aime dénigrer. Qu’on démonte sans écouter.. De toute manière, aujourd’hui, on chronique sans écouter, on parle pour ne rien dire. C’est tout nous. (oui dans certaines rédactions musicales, on fait des chroniques à partir de deux chansons et on ose donner son avis sur du vent. C’est aussi ça, le traitement de la musique, en France).
On se ferait l’avocat du diable, on dirait : ouai, c’est de la faute de Miley Cyrus, si elle n’était pas vulgos, provocatrice, si elle ne montrait pas son cul, ses seins, ses joints, on l’écouterait. Faux. Avant l’époque Bangerz et le fameux twerk, Miley Cyrus c’était la petite fille sage qui chantait de la country pop sucrée, à qui on aurait donné le bon dieu sans confession. Mais, on est dans une époque de paillettes, de spectacles, de buzz et de trash. On a besoin de ça pour faire parler de soi. Une sex-tape fait d’une nana insignifiante une personnalité qu’on érige en modèle. Un rappeur mégalo veut se présenter aux élections US, Terminator a été gouverneur de la Californie. Ca se passe comme ça aux Etats-Unis. Si Miley Cyrus n’avait pas twerké et choqué la planète entière, probablement, elle serait restée inconnue ou alors simplement connue des seuls ados qui ont suivi passionnément les aventures d’Hannah Montana. Stratégie marketing : la pop US ne repose que sur ça. La stratégie de Miley Cyrus était donc de choquer l’Amérique profonde et dorée dont elle est issue, mettre en scène les vices de la jeunesse actuelle (oui jeunesse américaine, tu fumes de la weed, oui tu te branles/te masturbes/couches à droite-à gauche, ne le nie pas, tu as inventé le Spring Break, rappelles-toi). Ecrasée par Taylor Swift, beaucoup plus jolie, Rihanna beaucoup plus sexy‘, Lady Gaga beaucoup plus excentrique et meilleure chanteuse, Miley Cyrus n’avait pas le choix pour sortir de la masse pop et faire sa musique à elle. Sauf qu’avec son twerk et son body nude, on a oublié qu’elle était chanteuse. Et pourtant, elle chante très bien et son album Bangerz est sans doute bien meilleur que les deux derniers albums de Katy Perry. Mais surtout, il s’agit de POP ! Une musique easy-listenning bien foutue, bien produite, qui flirte avec les autres styles musicaux, tantôt électronique, tantôt hip-hop, bref juste ce qu’il faut pour accrocher. Ca ne sauve pas le monde, ça fait juste passer un moment cool et dansant. Mais tu ne l’as pas écouté, pas vrai ? Non, parce qu’aujourd’hui, on fonctionne au clic, au clip et à Youtube. C’est quoi ton réflex, si tant est que tu es curieux, pour découvrir un titre que tu ne connais pas : voir le clip ou le titre sur youtube. J’avoue, c’est ce que je fais, c’est mal, mais je le fais. Quand on dit Miley, on pense à la boule de démolition qu’elle monte nue dans Weckring ball, et pas tellement à la chanson (pourtant vraiment bonne). Et après ? Plus personne. Pourtant, il y avait des pépites sur Bangerz, notamment l’hallucinant « FU » en featuring qui rappelle « I put a spell on you » et dans laquelle la jeune chanteuse fait tout l’étalage de sa très jolie voix…
Bangerz est finie, la tournée kitsch et provocante aussi. Place à autre chose : Miley Cyrus and her dead petz, album sorti de nul part, un dimanche soir, sur Soundcloud. Miley l’a composé, écrit, produit, financé toute seule. Budget : 45 000 euros. Elle l’a mis en ligne gratuitement et comme toute sortie d’album, il s’accompagne d’un clip… porno-chic, le clip, c’est Miley.. Les médias ne parleront que de ce clip, sur Twitter, on détruira encore et encore la jeune fille… « Dooo it » est la porte d’entrée, hyper accrocheur et pas le meilleur titre… ça se saurait si les singles étaient les meilleurs titres… et l’album est vraiment très bon. Son nom est un hommage à son animal compagnie, son chien Floyd mort quelques mois auparavant. Mais, c’est un détail. Pour ce cinquième album auto-produit, Miley a fait appel à Wayne Coyne, échappé momentanément des Flaming Lips pour apporter un coup de main à la jeune fille et sans doute lui apporter une crédibilité indé (on se demande) et un grain de folie psychédélique. Et le résultat est gravé sur 23 titres. Certes, certains sont inutiles voire ratés, mais on ne peut pas réussir 23 morceaux d’un album, il y a forcément du déchet. Cependant figurent de nombreuses très belles pépites sur cet album : le fou fou « Milky Milky Milk », « Karen don’t be sad » et « Cyrus Skies » très Lana Del Rey dans la voix, le duo avec Big Sean « Tangerine » mais surtout l’excellent duo avec Ariel Pink sur « Tiger Dream ». Cyrus parle de sa vie, elle aborde le thème de la drogue, parle sans détour de sexe, de bisexualité, d’amours contrariées, d’erreur de jeunesse, aborde aussi le thème de l’homophobie (contre lequel elle lutte avec sa fondation Happy Hippie).. et de la perte tragique de Pablow… son poisson rouge (ça reste Miley Cyrus). Bref, elle se met à nue, se livre de manière intime et dégonfle sa pop autrefois surgonflée et sur-arrangée. Surtout, la jeune fille s’émancipe dans un registre dream-pop, barré, expérimental qui lui scie à merveille. Sans doute, s’il était commercialisé, l’album serait un échec. Car les fans de « We don’t stop » serait largué par le délire spé de l’ancienne pouliche de Disney, quant aux puristes de la sphère indé, jamais ô grand jamais, elle oserait dire un jour : « j’écoute Miley Cyrus »… Or, on est persuadé que si ce même album était sortie par une illustre inconnue dénichée par Pitchfork sur internet, au détour d’une ballade virtuelle nocturne, elle aurait été immédiatement acclamée… Les popstars sont-elles condamnées à être considérés comme des machines à musique formatée et commerciale ? Sont-elles toutes condamnées à faire dans le trash pour espérer attirer l’attention ? En même temps… on se lance dans un débat totalement stérile, le mieux c’est de se faire son propre avis. ET ECOUTER.