"Écoute avec attention ce que je vais te dire. L'esprit qui se cantonne dans l'abstraction ne connaîtra pas le Soi, même après l'avoir entendu proclamer. Tant que cette connaissance n'aura pas été intériorisée dans les profondeurs du Soi elle pourra être proclamée et entendue des milliers de fois : ce sera toujours en vain. Une personne peut ainsi, par simple distraction, ne pas remarquer le collier qu'elle porte autour du cou et croire qu'il lui a été dérobé par des voleurs. Quelqu'un peut bien l'avertir de sa méprise : elle ne « retrouvera » réellement le collier qu'après en avoir constaté de visu la présence sur son cou. Se contenter de réfléchir, même avec subtilité, à la situation ne lui servirait à rien. De même, on peut bien avoir souvent entendu affirmer que le Soi était notre véritable essence : on n'aura cependant aucune chance, serait-on le plus intelligent des hommes, de le rencontrer à l'extérieur. Il est nécessaire de se tourner vers l'intérieur de soi-même.(…)
Aussi longtemps que le mouvement de l'intelligence vers le dehors n'a pas été suspendu, il n'y a pas de regard intérieur possible. Aussi longtemps qu'il n'y a pas de regard intérieur, on n'accède pas à cette (pure conscience). Le regard intérieur est dépourvu de toute tension : comment pourrait-il appartenir à un intellect tendu dans l'effort ? C'est pourquoi tu dois t'approcher de ta propre essence en abandonnant toute espèce de tension. Alors, pendant un instant, tu rejoindras ta propre essence et tu t'y maintiendras sans pensée. Puis tu te souviendras (de la question précédente) et tu comprendras en quel sens la conscience est à la fois inconnaissable et parfaitement connue. Telle est la vérité. Lorsque tu l'auras connue tu atteindras la condition immortelle."
trad. Michel Hulin