04 septembre 2015
Si le cinéma tente de temps en temps d'aborder le délicat mais si universel -chacun de nous ou presque connait dans son entourage un malade de cette maladie) , sujet de la maladie d’Alzheimer, ( cette si cruelle maladie qu'on appelait autrefois démence sénile), c'est rare qu'il parvient à être à se départir des éceuils inhérents au sujet, à savoir le voyeurisme et le pathos.
Ceux qui savent combien il est difficile de partager la vie d'une personne atteinte d'Alzheimer sont ainsi particulièrement sensibles de reconnaitre des situations vues sur l'écran qui remontent forcément en eux des grands questionnements rattachés à la dignité, aux obligations familiales ou à son degrès d'empathie et d'investissement personnel propre à chacun.
Pour un magnifique "Loin d'elle" de Sarah Polley ou un étonnant "la tête en l'air", film d’animation espagnol pour les adultes, qui abordait de façon très délicate et sensible un sujet malheureusement commun à chacun d’entre nous , pas mal d'oeuvres sur le sujet apparaissent comme soient bancales ou soient maladroites pour le traiter.
J'ai eu l'occasion dernièrement - pendant ma convalescence, on peut dire que j'ai mon chic pour savoir des films gais, n'est ce pas?- de visionner les deux derniers longs métrages sortis en salles sur le sujet (dont l'un "Still Alice", est disponible en DVD depuis début août), afin de vérifier dans quelle catégorie ces films se rangent et si ces fictions sur la mémoire s'oublient vite ou pas.
Résultat des courses? Voici le verdict en deux courtes chroniques, et dans le lot, le film américain l'emporte largement :
1 Still alice: Julianne Moore, une formidable jeune malade..
Adapté du livre de Lisa Genova "L'envol du Papillon", Still Alice (disponible en DVD, BR et VOD chez Sony Pictures Home Entertainment depuis le 5 août dernier) a été réalisé par Wash Westmoreland et Richard Glatzer ( décédé peu de temps après la sortie du film), avec Julianne Moore dans le rôle d'Alice, et cette dernière, vraiment bouleversante dans le rôle de ce professeur atteint d'Alzheimer précoce, avait fait parler d'elle en ayant reçu l'Oscar de la meilleure actrice pour sa performance, bien dans la lignée de ce que l'académie des Oscars affectionne particulièrement n'en déplaise à ce cher Quentin Tarantino qui visiblement ne partage pas cet avis sur la miss Moore).
Il faut dire qu'à l'opposé de son personnage totalement déjanté dans le dernier film de Cronenberg, "The Map of the Stars", Julianne Moore offre une nouvelle fois une prestation vraiment sublime, et alors qu'on aurait pu craindre qu'elle en fasse des tonnes comme parfois les stars holywoodiennes ont tendance à le faire, on est fasciné par les nuances qu'elle apporte à son jeu, et rend parfaitement tangible le déclin de cette femme qui voit son monde basculer en même temps que ses facultés cognitives.
Si le déroulement de l'intrigue est assez classique, voire académique, on saura gré aux réalisateurs d'éviter de mettre le film trop à la sauce hollywoodienne avec faux rebondissements et suspens sur l'évolution de la maladie. Chaque étape de la maladie est ainsi appréhendée avec une percutante et cruelle distance faisant de nous les témoins du trouble qui bouleverse Alice et son entourage. Confondant le passé et le présent, Alice se perd dans les tréfonds de sa mémoire, et cela, Still Alice parvient la plupart du temps à le rendre parfaitement tangible.
En mettant en scène de façon linéaire le quotidien bouleversé d’Alice et de l’ensemble de sa famille, le film, bien qu'il occulte volontairement des moments trop durs ou trop frontaux sur cette maladie ( on est à Hollywood en même temps), parvient toutefois à faire ressentir aux spectateurs la même impuissance qu' Alice face à son propre sort.
Si certaines séquences semblent un peu trop écrites – à l’instar d’un discours dans un congrés à l’élan quelque peu trop appuyé-, certaines scènes émeuvent profondément notamment par les liens qui se tissent entre Alice et sa fille Lydia, jouée par la toujours épatante Kristen Stewart.
Bref ce "Still Alice", à défaut d'atteindre les niveaux des deux oeuvres précédemment citées reste une oeuvre touchante et très bien documentée sur cette si terrible maladie.
Bande-annonce : Still Alice - VO
2. Floride : une chronique trop bancale malgré Rochefort et Kiberlain
Adaptation de la pièce de théâtre qui a triomphé sur Paris. Le Père de Florian Zeller et l'éblouissant Robert Hirsch dans le rôle titre, Floride est un film réalisé par Philippe Le Guay qui suit un certain Claude Lherminier - joué par Rochefort reprenant le rôle de Hirsch, un homme de quatre-vingt-deux ans, qui serait atteint de la maladie d’Alzheimer- même si le diagnostic n'est jamais vraiment posé dans le film- et ses relations difficiles avec les autres et notamment sa fille Carole- jouée par Sandrine Kiberlain qui lui est très dévoué, malgré l'ingratitude inévitable de son père face à elle.
J'attendais beaucoup de ce film, réalisé par Philippe le Guay, auteur récemment de jolies chroniques drôles et tendres, comme « Femmes du 6 e étage », le cout de la vie ou bien encore le dernier d'"Alceste à Bicyclette", souvent avec un Fabrice Lucchini qui malheureusement fait cruellement défaut ici même.
Car ici, et on le sent dès les premières scènes du film, la fantaisie affichée de l'ensemble sonne quelque peu artificielle et plaquée, et le jeu pour le moins décalé de Jean Rochefort (un jeu qui étonnamment gêne moins dans les autres films dans lequel il joue d'habitude) n'arrange hélas rien à l'affaire.
Certes, on ne peut que louer les intentions du cinéaste de tenter de poser un regard tendre et pudique sur ce délicat sujet, et d'essayer aussi de saisir sans jamais s'apitoyer la réalité de cette maladie et ses incidences sur les proches, mais faute d'un montage efficace et d'une écriture assez solide (les flash-back autour de l'enfance de Claude et les scènes de rêve de Claude ne fonctionnent par exemple pas), l'ensemble sonne trop bancal et trop maladroit, et ne parvient au final à n'être ni vraiment émouvant, ni vraiment drôle, ce qui est dommageable pour une comédie dramatique.
Sandrine Kiberlain, authentique et touchante, parvient certes à donner un peu de vie et de sensibilité à certaines scènes, mais malheureusement, le scénario qui donne le sentiment de se trainer dans des considérations anecdotiques (les séquences un peu génantes avec le personnage de l'assistante de vie) met vraiment trop mal à l'aise pour rendre l'histoire crédible et touchante comme on aimerait.
Bref, un film assez raté et malheureusement peu mémorable, et au final, un beau sentiment de gâchis...
Bande-annonce Floride