Edward Kesley Moore, Les suprêmes, 2014.
Rapporté de Thonon, ce roman a été choisi parmi quelques-uns qu'on me proposait. C'était un "je te les donne" de générosité plus qu'un moyen de s'en débarrasser. On me le donnait parce qu'il avait plu, celui-ci et d'autres. Un sacré pavé, je me suis dit. Tu parles ! Je l'ai dévoré. Rien que de lire la quatrième de couverture et d'apprendre que l'auteur, avant d'être écrivain, est un violoncelliste de haut vol, ça force le respect. Et puis le résumé était tentant : l'histoire de trois femmes américaines, noires, et de leur vie, de leurs aventures communes, ponctuées de joie et d'épreuves, ça promettait d'être passionnant. Ce dont je ne pouvais pas me douter, c'était de la qualité de l'écriture. Et elle était totalement au rendez-vous. Bien sûr, il y a toujours le hic qu'il s'agit d'une traduction et qu'on n'est jamais sûr de rien. Mais la qualité du style transparaît toujours. Le fait est que la traduction est excellente. Comparez cela au générique de début d'un film, quand on a vu qui étaient les acteurs et le réalisateur et qu'on leur fait pleinement confiance. Le livre, c'est pareil. Alors, on s'installe confortablement dans son canapé et on entame la lecture sans appréhension, aucune.
Les trois femmes dont nous parlons ont chacune leur rôle, leur moment de gloire, leur heure en tant que protagoniste. Et, à la fois, leurs trois histoires, leurs trois existences s'assemblent comme un puzzle pour former un tout. Ensuite, en arrière plan quoique pas si loin que cela, il y a le contexte historique : les années 60, 70 aux Etats-Unis et tout le problème de la discrimination raciale. Attention, pas de ton moralisateur, pas de dramatisation ; pas de minimisation non plus, bien évidemment. Juste des faits, le quotidien qui se suffit à lui même pour montrer ce que l'on doit savoir de cette époque. Le mur qui sépare la ville en deux, le quartier blanc du quartier noir ; une histoire d'amour impossible entre une jeune noire et un jeune homme blanc ; un fou furieux qui s'amuse à foncer avec sa grosse voiture sur les passants de couleur pour les obliger à sauter dans le fossé. Jusqu'à ce que, un verre ou une bouteille de trop, le dérapage, l'enfant...
Le ton est pourtant loin d'être larmoyant, parce que les trois divas, car elles ont du chien, ces femmes-là, ne sont pas dénuées d'humour et de franc parler. Elles portent un regard implacable sur elles-mêmes et sur chacune d'entre elles et n'y vont pas par quatre chemin pour aborder les thèmes de l'infidélité, du surpoids, de la difficulté des relations familiales ou encore du cancer. Comment donc ne pas être entraîné à leur suite, dans le délire de leurs vies aussi bancales que les nôtres mais exprimées de manière ô combien plus fantasque, où les fantômes alcoolisés et presque burlesques des défunts croisent des vivants non moins allumés.
Un roman comme on aimerait en lire plus souvent !
Ici un lien pour lire quelques pages du livre.
Je le donne à la première personne intéressée ! Il va falloir faire preuve de rapidité !