De l'indécence du doute à celle de la foi

Publié le 30 mars 2008 par I_love_vintage
Outre la première lettre de Pierre (1, 3-9) qui arrache au coeur une joie intense, ce dimanche de l'octave de Pâques nous propose de suivre pas à pas les retrouvailles du Christ ressuscité avec ses douze - enfin, onze - compagnons (Jn 20, 19-31). Lors de la première visite du Sauveur, Thomas est absent et il ne peut croire les propos - un peu surprenants, avouons le - de ses comparses.
D'où le thème de "l'incrédulité de Thomas" et l'invitation du ressuscité réapparu : "Plonge ta main dans mon côté: cesse d'être incrédule, sois croyant". Le texte ne précise pas si Thomas ose finalement fouiller les entrailles du Fils de l'homme; mais le Caravage (constesté) de Loches illustre de façon frappante l'indécence de l'incrédulité de Thomas. A laquelle s'associent d'ailleurs de façon amusante les deux autres larrons qui n'avaient peut-être pas eu le courage d'aller jusque là!



Si l'incrédulité de Thomas semble indécente, je suis très amusée par la façon dont la doxa catholique régnante inverse cette bienséance. Les homélies et introductions bravement anônées dans nos paroisses me surprennent toujours par leur lourde insistance à faire du doute un phénomène hygiénique, nécessaire à la foi, tout au moins inéluctable. Et Saint Thomas devient l'emblème de cette foi tatonnante qui "prend le doute comme compagnon de route" (sic), comme si elle n'avait pas les moyens de "cheminer" toute seule et qu'il lui fallait se modérer sans cesse pour avancer mieux.
On a l'impression très nette, devant cette débauche d'auto-complaisance faiblarde, que la conviction est une provocation indécente. Je peux affirmer que depuis mon baptême - et même avant - le doute n'a jamais été en moi quant à la résurrection du Christ, l'existence de Dieu, la possibilité du salut, etc. Je peux douter sans cesse de ma capacité à assumer cette révélation reçue, de la capacité de l'Eglise à en faire quelque chose qui soit bon pour ce monde, mais je suis convaincue que je ne douterai jamais de ces mystères auxquels il m'a été donné de croire.
Dans la foi comme dans la vie, il y a des points de non-retour, des certitudes dans lesquelles on habite quotidiennement - sur lesquelles on a pris d'assez bonnes assurances pour être certain que le ciel ne peut pas nous tomber sur la tête. Mais surtout, quelle entrave à l'action pratique! N'est-il pas plus urgent d'agir que de chercher des certitudes dans les hautes sphères? N'est-ce pas d'ailleurs l'épreuve du monde qui enracine en nous des certitudes inébranlables? A force de se complaire dans une prétendue nécessité du doute et de légitimer bêtement ses hésitations, on n'avance pas à grand chose dans cette Eglise - et Dieu sait pourtant s'il y a du travail.