Si vous ne le connaissez pas encore, le musée de la Vie romantique mérite votre visite, ne serait-ce que pour la fraîcheur de son cadre bucolique en plein Paris. Entre la Trinité et Notre Dame de Lorette, non loin du non moins passionnant musée Gustave Moreau, il faut faire quelques pas sur un bout de chemin pavé pour accéder à la cour de la petite maison aux volets verts pimpants, fleurie de roses trémières, et foisonnante de verdure.
L'ancienne demeure du peintre Ary Scheffer, romantique troubadour et compagnie, qui fut le professeur de dessin des enfants de Louis-Philippe, regroupe dans le cadre du musée ouvert en 1987 des oeuvres mineures (souvent très amusantes) ainsi qu'un ensemble de souvenirs attachés à la personne de George Sand, offerts au musée par sa petite-fille, qui toucheront les fans d'Aurore et agaceront ses détracteurs. Plus que le contenu, assez anecdotique, c'est l'ambiance de ce lieu intimiste qui est particulièrement attachante. Dépaysement dans le temps assuré!Le musée présente également de riches expositions, toujours très construites et commentées, généralement sur des sujets confidentiels ou sur d'obscurs inconnus tombés plus ou moins injustement dans les oubliettes de la pâmoison collective: tel Jean-Jacques Henner, héros de la dernière exposition que j'avais vue là-bas, ou Théophile Bra, dont le Nez en l'air nous avait révélé tous les secrets...
Mais, outre le snob plaisir de pouvoir humilier ses amis parce qu'ils ne savent rien du courant romantique gothique décadent qui a sévi au Vénézuela entre 1852 et 1854, le principal intérêt de ces expositions est de restituer le climat artistique et intellectuel de l'époque et de rendre son visiteur familier d'une ambiance, plus que d'un contenu. Dernière en date, l'exposition d'aquarelles et de dessins allemands datant de l'époque de Goethe (1770-1830), ne déroge pas à cette habitude.Wilhelm von Schadow (1788-1862)
Portrait du peintre Carl Wilhelm Wach
Vers 1805-1810 - Craie noire, rehauts de blanc - 77,3 x 52 cmUn exemple de ce qui se fait de mieux à l'époque en matière de jeune artiste dans le vent.
Johann Heinrich Füssli (1741-1825)
Le Désespoir de l’artiste devant la grandeur des ruines antiques, 1778-1780 - sanguine et lavis brunCe désespoir là n'a pas son pareil pour me mettre malignement en joie. C'est mal d'être si moqueur, je sais.Karl Friedrich Schinkel (1781-1841)
Le Tumulus des larmes, pressentiment d’un jour nouveau. 1832, gouacheMagnifique messianisme nouille.
En définitive, une exposition intéressante; le plus frappant graphiquement parlant, c'est l'influence très forte du romantisme sur le surréalisme. Certains dessins tortueux et torturés évoquent directement les cadavres exquis et autres fantasmes érotico-morbido-décadents de Breton et ses petits copains, qui n'ont décidément pas inventé grand-chose. Mais j'attends avec impatience la prochaine exposition, qui doit être consacrée aux dessins de J-A-D Ingres. Cela promet d'être autrement somptueux...