Le 19 octobre prochain, les Canadiens et Canadiennes sont appelés aux urnes pour choisir le prochain gouvernement de leur pays. Ce sera une journée importante pour l’unité canadienne et notre avenir.
Comment choisir parmi les partis qui briguent nos suffrages ? Par le positionnement politique qui correspond à leur raison d’être ou selon ce qu’ils nous proposent pour les quatre prochaines années ?
Jadis, si on était de droite, on pouvait choisir le Parti Conservateur (PC); de centre-gauche, le parti Libéral; de centre-droit le parti Progressiste-Conservateur avant que ce dernier soit monopolisé par la droite canadienne pour devenir le PC en 2003 et de gauche, le CCF devenu le Nouveau Parti Démocratique (NPD). Les environnementalistes votaient Vert. Quant aux séparatistes québécois, il y avait le Bloc Québécois pour se justifier de voter au fédéral.Toujours, ou presque, l’électeur pouvait voter en fonction de ses critères personnels, politiques ou sociaux car les programmes politiques et les propositions qui en découlaient étaient clairement établis. Les clivages permettaient à l’électeur de choisir ce qu’il espérait que la société devienne.Aujourd’hui, cet électeur réclame des actions politiques pragmatiques qui visent directement les problèmes du jour. Et pour ce faire, tous les partis ont recentré leurs politiques, par opportunisme ! Les discours ont changé et prendre le pouvoir avec une majorité de sièges à la Chambre des communes est devenu le seul but, la nécessité pour pouvoir agir. Il ne faut surtout pas afficher ses plus profondes convictions car elles peuvent éloigner l’électorat. Non, on s’adapte, on cherche à se faire aimer, on manipule les images et les illusions, on devient magicien politique. Le NPD, si près du pouvoir, ne fait pas exception. Il ne veut prendre aucun risque de manquer son objectif qu’il a enfin à portée de main.
Sous le leadership de Thomas Mulcair qui suit la ligne de son prédécesseur Jack Layton, le parti a bougé fortement vers le centre. Beaucoup trop, selon le président du caucus socialiste du NPD, Barry Weisleder qui s’inquiète de la tendance de son parti à oublier qu’il est celui des travailleurs et des organisations de travail au pays.
Ce dernier réclame des actions et des politiques qui démontreront que le NPD est un parti de gauche. Il reproche à son chef de trop vouloir embrasser le capitalisme en promettant un budget équilibré tout en refusant de taxer les riches, les grandes entreprises et les banques pour financer de nouveaux programmes sociaux devant corriger les inégalités chez les Canadiens. Il affirme « les gens veulent du changement, mais pas le reniement de leurs espoirs et de leurs rêves ». Malheureusement, il va à contre-courant.Mulcair veut justement changer l’image de « machine à dépenser » de son parti. Il demeure sensible aux besoins sociaux et veut agir. Mais, il sait que pour réaliser cela, il doit prendre le pouvoir et, pour ce faire, monopoliser le centre politique du débat en se montrant progressif, compétent et capable de diriger un gouvernement avec prudence. Même le premier ministre (PM) Stephen Harper, le dur parmi les durs, demande aux Canadiens de lui faire confiance à nouveau. Il cherche à changer son image. Il veut faire oublier la ligne de droite de la droite qu’il a poursuivie sur les plans politiques, culturels et sociaux. Celle qui a tant déplu à un si grand nombre de Canadiens, dont les moins fortunés. Pour attirer des sympathies et gagner, il a fait voter des subventions importantes d’aide aux familles devant être remises durant la période électorale. Depuis, il se montre plus sensible, plus compréhensif, plus à l’écoute des Canadiens. Il cherche à faire oublier ses positions diplomatiques radicales et à sens unique comme en Palestine, en Iran, ses rebuffades répétées de plusieurs demandes raisonnables (plusieurs ne le sont pas), dont celle des armes, venant du Québec. Il courtise à fond les électeurs de centre. Il devient enfin plus sympathique pour plusieurs.Quant à Justin Trudeau, le chef libéral, il joue la carte électorale normale de son parti mais son image souffre de sa jeunesse et de son inexpérience. En début de campagne, il paraissait ne pas être à la hauteur de la tâche de premier ministre. Depuis, selon un plan préétabli, il propose des politiques sensées, bien visées et il marque des points. À l’élection de 2011, Jack Layton, chef du NPD, a été reconnu comme un homme de gauche très sympathique. Nonobstant une grave maladie qui l’affligeait, il a réussi l’impossible en faisant élire 59 députés au Québec, où il n’y en avait qu’un. Une comète aurait frappé la terre, que l’on n’aurait pas été plus surpris. Il avait axé sa campagne électorale sur les besoins de la « famille », mais c’est surtout par ses prestations uniques à des émissions télévisées, comme « Tout le monde en parle », qu’il a conquis, entre autres, le cœur des Québécois qui se sont levés spontanément pour aller en masse voter NPD afin de lui assurer leur confiance lui permettant ainsi de devenir chef de l’opposition officielle. Ce fut la plus grande victoire du commerce d’images et d’illusions au Québec de tous les temps.Tous les chefs se rappellent ce grand balayage électoral. Ils en rêvent. Ils comprennent que leur principal défi est de marquer des points lors des débats télévisés des chefs. Ils reconnaissent toute l’importance de ces face-à-face sur le choix des électeurs et ne veulent pas, par conséquent, parler de droite ou de gauche. Déjà, le premier débat a été révélateur. Ainsi, Trudeau, son image aidant, en a surpris plusieurs par son aplomb, sa connaissance des dossiers et ses réparties bien fondées. Dès le lendemain, les sondages reflétèrent sa bonne prestation et les observateurs avertis spéculaient déjà sur les chances du parti libéral qui remonta sensiblement dans les sondages. Mulcair, avec un air de chef d’État, a été clair, net et précis et a généralement bien fait. Les auditeurs ont compris pourquoi il a été qualifié par l’ex-PM Brian Mulroney : « meilleur chef de l’opposition de tous les temps ». De son côté, le PM Harper a aussi été correct mais j’ai eu l’impression qu’il n’était pas vraiment écouté. Quant au parti vert, n’ayant aucune chance de remporter la victoire, sa chef Élizabeth May a été vite oubliée. Le Bloc Québécois était absent car le débat était en langue anglaise.Un facteur important de cette campagne électorale est sa longueur inhabituelle. Le double d’une normale. Les électeurs rentrent de vacances. Ils ont été distraits, ne s’intéressant que par de courts moments à la campagne, n’entendant que de bons ou mauvais échos ici et là. Sachant que l’élection est relativement loin, ils se sont plutôt préoccupés de leur famille, de leurs affaires personnelles et peu de la politique. L’intensité électorale s’accentuera peu à peu et de plus en plus rapidement. C’est un gros défi pour chaque parti car il doit se retrouver au top de sa popularité au bon moment. Pas avant et ni après. Il est fort probable que les favoris des sondages d’aujourd’hui se retrouvent dans une autre position en fin de campagne. Il faut donc que les stratèges, dont l’expertise sera de plus en plus recherchée, planifient la fin de la campagne pour placer leur parti en pole position au moment de l’attaque finale. La stratégie devient de prime importance dans cette élection car, à ce jour, on ne peut prédire le gagnant. Claude Dupras