Un premier album à la lisière entre le live salvateur et l’enregistrement studio authentique. Il paraît qu’il ne faut pas juger à la pochette…il paraît ! Voilà une pochette qui a le mérite de mettre son interprète au coeur du projet. Elle est là au centre de l’image, blanche, silencieuse mais néanmoins inquiétante. Car si on fixe son regard que risque-t-il d’arriver? Se changer en pierre ou tomber en amour avec cette diva simple. Ces faux airs de La Couleur Pourpre d’une grande mais en blanc, pas forcément virginal mais page blanche d’une nouvelle musique pour une chanteuse qui tente une nouvelle démarche jazz.
Dans les oreilles : C’est du miel. Et tout commence par la mère, Madres aux faux airs de musique électronique aux racines pourtant bien ancrées dans les plages de Cuba ou plutôt de sa banlieue Diez de Octubre de la Havane bercée par la mer nourricière. Mais c’est bien un vrai orchestre live qui résonne dans une chanson lancinante tantôt chant de sirène, tantôt hymne à la joie où la voix de la chanteuse enveloppe le tout, comme pour couver ses enfants musicaux. Pourtant dans Drama, c’est une diva de jazz presque à capella qui s’éveille dans un piano bar. L’EP The Havana Cultura Sessions relatant ses expériences sur scène (avec notamment une reprise tropicale du classique Cry Me A River aux percussions folles) n’en est pas si loin. Mais il y a dans ce boeuf live des accords mineurs, ce genre de mélodie qui fait mal à l’âme mais accentue le côté dramatique, théâtral du morceau avec des choeurs parfois inquiétants. Sin Empezar, déjà apparu dans le même EP, présente une voix plus suave où l’instrumental à la trompette envoûte et reste longtemps dans la tête et le coeur.
Mais le jazz s’attache souvent aux morceaux très physiques, comme dans Don’t Unplug My Body. Et là, le premier gymnaste est le pianiste qui transporte dans des arpèges de folie. Et la chanteuse s’y essaie même en anglais… plutôt réussi. La découverte par l’animateur radio de la BBC, Gilles Peterson, suivie de la signature de son label, ne doivent pas être éloignées de ses envies pop anglophones. Mais à l’écoute de la voix incroyable ,à la puissance surnaturelle, on comprend que le présentateur ait été séduit par la jeune fille, nu- pieds vêtue de blanc. Tout comme dans Dust au début, au violoncelle presque classique qu’illumine tout le potentiel de tragédienne et de narratrice d’histoires de la jeune fille. Délicatesse ou sensualité? Come To Me avec un groove tapageur semble néanmoins hérité des chants et rituels de la religion Afro-Cubaine que connaît bien la jeune fille. Pour la fragilité, misons sur Crystal avec ses paroles délicates mais une bonne dose de vibes, décoration affriolantes pour les auditeurs gourmands. C’est dans El Ruso que la cubaine de 33 ans se lâche et ressuscite ses souvenirs d’enfance en musique. Synonyme de fête, elle se célébrait en famille, avec notamment un piano swinguant et une trompette en totale liberté. En point final à cette célébration sonore, la chanteuse se lance dans un ska enflammé, comme une bonne récréation entre percussions et piano qui osent même s’affronter dans une battle musicale.
Un moment sans doute fort délectable sur scène. Pour l’heure, faisons le bilan : combien de facettes différentes la chanteuse a-t-elle dévoilées? Difficile de faire le compte. La musicienne se réveille sur Nino dans une intro presque beat box électro mais totalement pop jazzy pour la musique, comme si chaque morceau était une nouvelle aventure. La diplômée d’école de musique, option chef de chorale ne prend pas son travail d’interprète à la légère et analyse les paroles pour délivrer son interprétation propre. Une démarche qui révèle tout son sens dans Nueva Era, chanson phare et début d’un nouveau cycle au son mystique qui donne envie de danser et de donner du soleil au coeur, à la rentrée.