Jean-Daniel Lévy, Directeur du Département Politique-Opinion de Harris Interactive analyse en exclusivité les résultats du baromètre Harris Interactive / Délits d’Opinion.
1. Les vacances estivales ont souvent constitué pour François Hollande un moment de cristallisation négatif de l’opinion. L’été 2015 à t-il été moins défavorable ?
Jean-Daniel Lévy :
Oui et non. L’été 2015 n’a pas eu les mêmes effets mesurables sur le court terme, et ayant laissé quelques traces sur le long terme, que la période estivale ayant suivi son arrivée à l’Elysée. A l’époque, le sentiment d’une vacance du pouvoir (avec une intervention de Nicolas Sarkozy accréditant cette thèse) avait contribué à l’image d’un Président ne sachant pas gérer le pays et n’étant pas à la « hauteur ». Dans le cadre de notre enquête d’août 2015, la confiance à l’égard du Président baisse de 2 points, 4 depuis mai dernier. Cette évolution, si elle est lue politiquement, offre un éclairage différent : le Président voit sa confiance progresser de 3 points au cours de la même période auprès des sympathisants socialistes. Et si elle reste toujours basse (c’est un euphémisme) à Droite et à l’Extrême-Droite, le cœur de ses soutiens naturels se révèle le suivre à hauteur de 83%. La logique est sensiblement la même chez Manuel Valls avec, aujourd’hui, 82% des proches de sa formation politique lui accordant leur confiance.
La singularité de la confiance dans le Président repose sur la baisse marquée du regard positif porté par les personnes issues des catégories populaires. Avec aujourd’hui 26% de cette frange de population lui accordant leur confiance, François Hollande revient à des étiages pré-attentats. Et, quand bien même l’engagement d’une baisse des impôts a été prise, la critique d’une augmentation des impôts, ou d’une baisse du pouvoir d’achat, est mentionnée comme nourrissant la défiance. L’on voit également se réactiver différentes dimensions : promesses non-tenues, absence de politique en faveur des classes moyennes et populaires (délaissées par rapport aux « riches » ou au « patronat »), ce qui favorise la distance avec le Président
2. Quels ministres abordent la rentrée dans une situation confortable ? Et quels sont ceux qui voient leur image fragilisée ?
Jean-Daniel Lévy : Soulignons, en préalable, qu’aucun ministre ne recueille la confiance de plus d’un Français sur deux. Ajoutons que les ministères régaliens portent leurs représentants : Affaires Etrangères pour Laurent Fabius, Intérieur pour Bernard Cazeneuve, Défense pour Jean-Yves Le Drian, Economie pour Emmanuel Macron, Justice pour Christiane Taubira. La tendance d’ensemble reste baissière. Elle est notable chez Najat Vallaud-Belkacem (moins 4 points en cette période de rentrée et surtout niveau de confiance le plus bas depuis qu’elle est en charge du Ministère de l’Education Nationale), limitée (-1) chez Stéphane Le Foll qui avait – au plein cœur de la crise – vu la confiance à son encontre baisser de 7 points. Si l’on s’attarde sur la confiance dans la Ministre de l’Education Nationale, observons qu’elle est bien plus forte chez les jeunes de moins de 35 ans que chez les personnes plus âgées (35% contre 25%), et surtout qu’elle n’est pas plus forte chez les personnes ayant des enfants (23%)
3. François Bayrou constitue une des personnalités préférées des Français. Sent-on plus particulièrement un frémissement ces derniers mois ?
Jean-Daniel Lévy : En l’espèce, nous pourrions dire, qu’il y a Alain Juppé et les autres… Le fait que François Bayrou soit – et depuis longtemps – en deuxième position (avec à certains égards un positionnement politique assez proche du Maire de Bordeaux) est assez révélateur. Suscitant la confiance d’un tiers des Français, il a déjà le mérite de pouvoir s’appuyer sur les sympathisants (certes peu nombreux) du Modem : 97% d’entre eux répondent favorablement. Puis la confiance se déporte au centre et à Gauche : 48% à l’UDI, 47% chez EELV (ce qui n’est pas inintéressant si l’on se rappelle l’affrontement entre Daniel Cohn-Bendit et François Bayrou en 2009), 37% au Parti Socialiste. On le sait Nicolas Sarkozy s’en prend assez fréquemment au dirigeant du MoDem. Ses électeurs le lui rendent bien car 29% seulement déclarent faire confiance à François Bayrou. Quant au frémissement, difficile de répondre positivement. Il baisse de 4 points en 1 an et est aujourd’hui au niveau le plus bas relevé au cours de cette période.
4. Nicolas Sarkozy a monopolisé les unes de la presse people. Son image en est-elle modifiée ?
Jean-Daniel Lévy : En termes d’image, difficile à dire. En termes de confiance, non. La cote du dirigeant de la formation « Les Républicains » est inchangée (27%). Une des raisons de l’acception du retour de Nicolas Sarkozy en politique et de sa direction de l’UMP puis des Républicains réside dans le fait qu’il n’a pas changé. D’ailleurs, lorsque l’on regarde la structure de confiance, que remarque-t-on ? Que si 81% des sympathisants des « Républicains » lui accordent leur confiance, ce ne sont plus que 36% des proches du FN, 21% de l’UDI, 10% du Modem et 2% du PS. Même au sein de son électorat de premier tour en 2012, 72% (seulement, pourrions-nous être tentés de dire) lui accordent leur confiance.
Les Français ont-ils découvert, avec la presse people, un autre Nicolas Sarkozy que celui qu’ils connaissaient ? On peut penser que non. Cela lui est-il préjudiciable ? Jusqu’à présent – dans son camp – non. Ses soutiens n’y accordent pas vraiment d’importance. Ses détracteurs, si.
Enquête réalisée en ligne du 25 au 27 août 2015. Echantillon de 1006 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l’access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).