C’est en 1972 que Wes Craven livre La Dernière Maison sur la Gauche, son premier long-métrage. Un film imparfait mais indéniablement glauque (très glauque), qui se posera rapidement comme l’un des fleurons du rape and revenge, un genre qui perdure encore aujourd’hui. En 1977, avec La Coline a des Yeux, le cinéaste ne réussit pas encore à mettre dans le mille mais prouve un talent indéniable pour ce qui est de créer des concepts puissants. Dennis Iliadis et Alexandre Aja, qui ont réalisé les (excellents) remakes des deux premiers métrages de Craven ne peuvent pas affirmer le contraire. En 1981, après avoir emballé un documentaire, The Evolution of Snuff, Craven découvre Sharon Stone qu’il met en vedette dans La Ferme de la Terreur, avant de mettre en scène La Créature du Marais. Ceci dit, la consécration viendra en 1984, quand l’ex-professeur de sciences humaines et de dramaturgie donne naissance à Freddy Krueger, un psycho killer officiant dans les rêves des ses victimes. Très vite, Freddy, ce personnage à la personnalité très marquée, avec son visage brulé, son pull vert et rouge, son chapeau, et bien sûr sa main gantée de lames acérées, s’impose comme l’une des figures incontournables du cinéma d’horreur.
Une popularité jamais démentie, qui placera Freddy (incarné par Robert Englund), et donc Wes Craven, au firmament d’un genre qui verra le personnage revenir d’entre les morts à de nombreuses reprises. Et si Craven n’a pas réalisé la suite des Griffes de la Nuit, c’est bien lui qui a repris en main la saga, en 1994, avec le septième volet, intitulé Freddy sort de la nuit. À noter que Les Griffes de la Nuit marqua aussi les débuts de Johnny Depp, qui doit une fière chandelle à Craven pour avoir lancé sa carrière, dans un chef-d’oeuvre à la fois effrayant et remarquablement inventif.
Pour autant, il serait injuste de limiter Wes Craven à Freddy, aussi marquant ce dernier soit-il. Plutôt frondeur, le réalisateur a tenté d’insuffler de la nouveauté à sa filmographie, malgré une industrie qui a vite compris que son nom, associé à l’épouvante, ne pouvait que faire pleuvoir les dollars. C’est notamment pour cela que La Musique de mon Cœur, avec Meryl Streep, sorti sur les écrans en 1999, fut un cuisant échec (il réalisa aussi un segment du film choral, Paris, je t’aime). Une déconvenue qui intervient néanmoins après l’autre grand succès de Craven, soit la création en 1996, d’un concept malin, amené à mettre en perspective les codes ancestraux du slasher, en organisant la rencontre d’un groupe de jeunes habitués à se farcir les classiques de l’horreur, à un tueur en série lui même très cinéphile. On parle bien sûr de Scream, et de son masque blanc inspiré du tableau Le Cri, d’Edvard Munch. Un film qui cartonna au box office et qui donna lieu à 3 suites, que Craven mit toutes en scène. Scream 4 restera d’ailleurs malheureusement son ultime film.
Entre temps, le metteur en scène, depuis longtemps considéré par ses pairs et par le public comme l’un des maîtres de l’horreur, s’illustra via quelques pépites restées confidentielles, à l’image de L’Emprise des Ténèbres, du très efficace Shocker ou encore du Sous-Sol de la Peur. Ses échecs, artistiques et commerciaux (Le Vampire de Brooklyn, Red Eye, My Soul To Take, Cursed…) même si ils furent nombreux, n’entachèrent pas vraiment l’image du cinéaste, toujours très actif, et donc amené à rebondir après les déconvenues qui émaillèrent sa carrière.
C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris son décès, ce dimanche 30 août. Ayant dernièrement travaillé à l’adaptation à la télévision de Scream, qui restera l’un de ses plus gros succès, Wes Craven a tiré sa révérence à l’âge de 76 ans, nous laissant des kilomètres de pellicules franchement marquantes, effrayantes, sauvages, et parfois drôles. Des oeuvres généreuses qui ont contribué à bâtir, puis à populariser, tout un pan du cinéma contemporain.
@ Gilles Rolland