Ty Segall et l'un de ses nombreux groupes, Fuzz, montent ensuite sur scène maquillés façon Kiss pour jouer une musique moins kitsch mais moins légère aussi. Ce revival de hard rock seventies : très peu pour nous. Avec maman, on n'attend même pas la fin pour filer en douce et se placer déjà devant la scène des remparts pour un de nos concerts les plus attendus.
Le chanteur des américains d'Algiers a vécu il y a quelques années en Bretagne où il était professeur d'anglais. Ce n'est donc pas quelques gouttes de pluie en été qui le perturbe. Leur musique est l'une des plus intrigantes qu'il m'ait été donnée d'entendre ces derniers temps. Le bassiste et bidouilleur de synthétiseurs rentre sur scène comme possédé, haranguant le public d'un regard noir, et se tapant sur le torse. La plupart des gens incrédules ne comprennent pas bien où il veut en venir. Vaincre son stress ? Ou plutôt donner de l'énergie d'emblée pour faire monter la sauce. La sauce ? Elle prendra bien souvent, même si le groupe est encore un peu jeune, pas complètement à la hauteur des attentes. Mais un titre comme "Blood", leur meilleur, se révèle quand même aussi puissant sur scène que sur disque.
Vient ensuite la formation responsable de mon disque de l'année 2014. Les canadiens de Timber Timbre jouent tout leur concert cachés derrière un épais brouillard rouge. L'effet surprend d'abord, créant une distance. Puis le son prend de l'ampleur, comme la voix de Taylor Kirk. Malgré l'économie d'instruments, notamment l'absence de saxophone, par rapport aux disques, Timber Timbre s'en sort très bien, proposant des versions plus rock de leurs chansons. "Hot Dreams" produit son effet, jusqu'à provoquer l'apparition de la pluie. Vu le titre, pas étonnant qu'il mouille - oui, je sais, c'est trivial. "All I need is some sun shining" demandent-ils ensuite sur l'excellente version live de "Black Water". Le ciel même semble les écouter. Malgré la grandeur de la scène, le groupe parvient à créer un climat intimiste, sorte de cabaret country-rock à l'ambiance lynchienne. Belle confirmation donc, à tel point que tout cela m'a même donné envie de me replonger dans leur discographie passée.
Après, ça n'est pas le même topo. Décidément cette soirée n'a pas son pareil pour varier les styles, à défaut de toujours varier les plaisirs. Les irlandais de Girl Band balancent un rock braillard qui ne ressemble à rien de connu. Le chanteur, clone de Kurt Cobain (ou de Michael Pitt jouant Kurt Cobain) beugle en essayant de déchirer son tee-shirt - il n'y parviendra pas. Les guitaristes ne jouent pas vraiment, disons qu'ils émettent des sons en frottant leurs instruments. C'est souvent énervant pour ne pas dire pire, mais parfois, miraculeusement, ça fonctionne comme sur le dantesque "Why They Hide Their Bodies Under My Garage" où le groupe tient pourtant avec une même phrase et presqu'une même note sur plus de sept minutes. On finit alors par se laisser emporter, en transe. Ça m'étonnerait quand même qu'on y retourne une fois à la maison : trop épuisant pour les nerfs.
Puis, comme si la soirée devait obligatoirement alterner le chaud et le froid, c'est au tour de la dance tous publics de Ratatat d'enchaîner. Le show du duo new-yorkais est ultra-efficace et savamment rôdé avec écran géant et jets de lumière. Les chansons s'empilent comme les couches d'une mille-feuille, d'abord savoureux puis écœurant, à force. Quatre minutes durant, le tube "Abrasive" semble mettre tout le monde d'accord. Le rythme est facile, la mélodie aussi mais il n'y a rien à faire, on se laisse avoir à tous les coups. C'est le concert idéal pour une clôture de soirée : pas prise de tête, lumineux, fun. Tant pis pour Rone programmé juste après. On rejoint la voiture avec les tubes de Ratatat dans la tête, en sachant d'avance qu'ils y seront encore le lendemain matin au réveil.