Habillé de quelques fulgurances, Dheepan nous ressert malgré tout la même recette pour la énième fois. Bien sur, on aime reconnaître la patte d’un artiste lorsque l’on va au cinéma mais Jacques Audiard semble se contenter de se plagier lui-même. Pour son dernier film, il recopie tel quel la trame de De rouille et d’os et d’Un prophète. Ce qui pouvait plaire dans son style devient lassant. Le rythme très lent de Dheepan entre finalement en contradiction avec l’envie affichée de réaliser un film coup de poing.
Dheepan (Antonythasan Jesuthasan), un ancien soldat des tigres de libération de l’Îlam tamoul, a fui son pays après les dernières défaites de l’insurrection qu’il soutenait. Pour cela, et dans le but d’obtenir un faux passeport, il a embarqué avec lui une jeune femme, Yalini (Kalieaswari Srinivasan) et une orpheline, llayaal (Claudine Vinasithamby). Fraîchement installé en tant que gardiens dans une cité sensible, les trois compagnons d’infortune vont tenter de s’intégrer.
Avouons-le, on se demande bien pourquoi Dheepan méritait une palme d’or. Avec son melting-pot idéologique et sa réalisation au classicisme exacerbé mais surtout la prégnante impression de déjà-vu, Dheepan manque de peu, s’égarant mainte fois, son sujet. La volonté d’Audiard de réalisé un film dans le film tourne court. A la peinture sociale, le réalisateur veut adjoindre une touche de cinéma de genre à travers une utilisation viscérale de la violence. De cette première ambition, celle de décrire notre temps, Audiard se dépatouille avec difficulté en enfonçant des portes ouvertes. Le parcours de la famille reconstituée de Dheepan, assez réaliste, manque néanmoins de profondeur, Audiard préférant se concentrer à rendre l’univers de la cité particulièrement oppressant. L’intention est louable, le metteur en scène décrivant une société où l’immigré étant bienvenue, il apporte sa part à la société. Symboliquement, c’est Dheepan qui dépanne (sans mauvais jeu de mots) les ascenseurs laissait à l’abandon par les sociétés de gestion des HLM.Décrivant un monde ultra-violent, que Dheepan identifie à ce qu’il a vécu au Sri Lanka, Audiard pose, malgré tout, un regard compréhensif sur les petits malfrats de la cité auxquels ils laissent la parole dans un style documentaire.
Dans le même temps, le discours progressiste de la première partie du film laisse sa place à une banale histoire de vigilante bien réactionnaire où Dheepan joue le premier rôle. Plus besoin de l’ancien nabot de l’Élysée pour nettoyer les cités au karcher.L’analogie entre la situation de certaines banlieues françaises et celle des tamouls sri-lankais est de plus, si elle fonctionne sur le papier, assez bancale. On compare tout de même ici, la lutte d’un mouvement marxiste d’indépendance avec les magouilles de petits truands capitalistes. Et pour que tout cela fonctionne, Audiard doit forcément faire dans la surenchère en orientant le récit vers des quartiers fantasmés qui, même si l’on ne peut nier que la violence s’y soit installée au quotidien, n’ont heureusement rien à voir avec des zones de guérilla urbaine permanente. Pour finir de faire le point de ce qui relève de ce mélange doctrinal paradoxal, nous étions surpris de constater que pour Audiard, l’Angleterre soit un eldorado pour les immigrés, dénué de violence. Le réalisateur mettant en opposition la cité française avec les zones pavillonnaires anglaises. Alors qu’aucun pays occidental n’est épargné par ce phénomène déjà ancien de paupérisation grandissante des quartiers populaires.
Le regard tendre sur des voyous dont le seul mérite est d’avoir intégré, à l’image du banquier lambda, les rouages du capitalisme, comme le dit Brahim (Vincent Rottiers) : « Je ne suis qu’un commerçant. », et un œil sombre posé sur une intégration jugée impossible en France puisque Deephan finit par sombrer dans la violence fait de Dheepan, érigé comme une fresque sociale, un drôle de foutoir où le meilleur côtoie le pire et qui donnera du grain à moudre à toutes les sensibilités politiques. S’il prend acte de l’échec, il reste très évasif sur ses causes. On serait tenté de dire à monsieur Audiard de prendre ses responsabilités.
Boeringer Rémy
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