Laird Hunt : Neverhome

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Neverhomede  Laird Hunt   4/5 (02-08-2015)

Neverhome (260 pages) sort le 2 septembre 2015 aux Editions Actes Sud  (traduction : Anne-Laure Tissut).


L’histoire (éditeur) :

Dans la ferme de l'Indiana qui l'a vue grandir, Constance jouit enfin, auprès de son compagnon, d'un bonheur tranquille. Mais lorsque la guerre de Sécession éclate et que Bardiolomew est appelé à rejoindre les rangs des Confédérés, c'est elle qui, travestie en homme, prend sans hésitation, sous le nom d'Ash Thompson, la place de cet époux que sa santé fragile rend inapte à une guerre qu'elle considère comme impensable de ne pas mener. Ayant perdu la trace de son régiment après une bataille féroce où elle a été blessée, Constance, la rebelle, dépouillée de son uniforme, reprend, au sein de paysages dévastés, le chemin de la ferme, guidée par l'amour infini qu'elle porte à son bien-aimé mais profondément hantée par la violence et l'étrangeté des aventures qui ont marqué sa périlleuse initiation à l'univers impitoyable des champs de bataille et à leurs sordides coulisses.

Mon avis :

Parce que je n’ai pas souvent l’occasion (c’est d’ailleurs la première fois) de lire un roman sur la guerre de Sécession, que cette période est abordée du point de vue d’une femme et que cette femme a choisi de prendre la place d’un homme, rejoindre les rangs des Confédérés, j’ai choisi de découvrir le nouveau roman de Laird Hunt.

« Je partirais et il resterait. Il fallait que l’un de nous reste à s’occuper de la ferme et que l’autre parte, et c‘était lui et c’était moi. Nous étions à peu près de la même petite taille mais lui était fait de paille et moi d’acier. Chaque hiver il était frappé de migraines alors que, de toute ma vie, je n’avais connu la grisaille d’un seul jour de maladie. Il n’y voyait pas trop de loin ; moi je fermais un œil et d’un coup de fusil j’arrachais les oreilles d’un lièvre à cent cinquante mètres. Il tournerait les talons à la moindre occasion ; moi je n’avais jamais, jamais reculé. » Page 17

En s’engageant dans l’armée de l’union, Constance devient Ash Thompson. La poitrine bandée et habillée d’un pantalon, elle passe à merveille pour un homme, battant les soldats au bras de fer, crachant, jurant et buvant comme les autres gars, intrépide, douée pour le tir et prête à manier la baïonnettes sans embarras ni complexité. Plus forte que son mari Batholomew, elle n’hésite pas à endosser le rôle de soldat sans pour autant quitter quelques qualités féminines.

Celui que l’on nomme bien vite Galant Ash va vivre divers expériences difficiles et cruelles, passant des combats à l’enfermement, pour enfin conclure son parcours personnel de façon déchirante.

Récit de guerre civile, Neverhome mêle la correspondance pittoresque  entre Constance et son époux, les luttes internes, les trahisons et une histoire d’amour profonde.

Avec tant de courage et de force de caractère qui habite le narrateur, son histoire aurait pu être celle d’un homme s’il n’y avait pas cette sensibilité féminine et cette délicatesse. Laird Hunt  laisse également  une part aux  rêves qui rend le tout intriguant, mystique et obsédant.

Je me suis passionnée pour Constance qui m’a plus d’une fois fait des frayeurs. Les situations qu’elle vit son tour à tour touchantes, plaisantes, effrayantes et stressantes (son séjour à l’asile m’a glacée et la fin profondément choquée).  La quête historique laisse doucement la place à un portrait de femme mystérieux, difficile à saisir, onirique et trouble.

J’ai  eu un peu de mal à approuver ses motivations et à comprendre pourquoi elle choisit de rester si longtemps loin de chez elle, mais l’auteur a créé un personnage si vivant et réaliste, et un cadre historique tellement bien rendu qu’il a fini par m’absorber complètement dans son histoire, sans vouloir la juger et simplement tenter de la comprendre. La compréhension étant laissé ici à l’interprétation de chacun je pense.

Neverhome est un roman très bien écrit où le rythme est constant et les rebondissements présents. Il y a une forme de lyrisme dans la narration que j’ai beaucoup apprécié et qui rend le roman tout aussi beau qu’accessible.

« La mort était le sous-vêtement que nous portions tous. »  Page 46

Je ne suis pas férue de romans de guerre (et encore moins de la guerre de sécession), pourtant j’ai vraiment pris plaisir à le lire et  à découvrir ce parcours hors du commun, qui m’a même donné envie de m’intéresser à la place de ces femmes soldats durant cette période.

« Aujourd’hui encore je lèverais mon arme contre le premier rebelle se présentant à mes yeux, mais le spectacle de cette rangée de cavaliers superbes vous arrivant dessus à travers la fumée était fort beau à voir. »  Page 109

« Mon petit-fils, pour qui je construis cette serre, on me le renvoie le mois prochain, sans yeux, et avec la moitié du visage en moins. A force de raconter les choses d’une façon au lieu d’une autre, peut-être qu’elles finissent par cesser de venir vous ramper autour jusqu’e dans votre lit, et de vous caresser le joue à coups de griffes. » Page 225