Pour ceux qui n'auraient pas suivi, la haute gastronomie espagnole est secouée depuis quelques semaines par une vaste polémique ayant à l'origine des propos tenus par Santi Santamaria.
Ce chef 3*** catalan, propriétaire du restaurant El Can et membre des Relais & Chateaux, a en effet férocement attaqué la gastronomie moléculaire et son chef de file Ferran Adria.
Profitant de la sortie de son dernier livre, La cocina al desnudo (la cuisine à nu), Santamaria a critiqué cette cuisine spectacle qui utilise selon lui ingrédients et méthodes de l'agroalimentaire au détriment selon lui toujours de la qualité.
Il est même allé plus loin en accusant Ferran
Adria et d'autres chefs d'utiliser de la méthylcellulose, un gélifiant d'origine
végétale, qui serait d'après lui dangereux pour la santé.
Or tous les professionnels de la santé sont unanimes pour dire que cet additif est totalement inoffensif pour l'organisme.
Les chefs espagnols ont massivement affiché leur soutien à Ferran Adria, en publiant notamment ce communiqué par l'intermédiaire du Forum Gastronomique (en catalan dans le texte)
Comunicat de Fòrum Gastronòmic sobre el cas Santamaria
Mirant endavant
Arran de la publicació del llibre La cocina al desnudo de Santi Santamaria, un cop llegit i
analitzat, ateses les conseqüències que està tenint tant en el sector de la cuina professional
com en la societat, des de Fòrum Gastronòmic manifestem:
1. La nostra plena solidaritat a totes les persones que són objecte d’atac personal en el
llibre, de manera particular a Ferran Adrià i Juli Soler.
2. El nostre suport a la Fundació Alícia, víctima d’atacs reiterats en el llibre. Compartim
els objectius per als quals ha estat creada, en reconeixem la feina feta, i encoratgem
l’equip de professionals que hi treballen a perseverar en les tasques encomanades.
3. La condemna sense pal·liatius de l’intent de criminalització de tots aquells que
practiquen un tipus de cuina que s’aparta dels cànons que, segons l’autor, són els
indicats. Amb el pretext de combatre determinats ingredients, Santamaria pretén
polaritzar un debat en benefici propi.
4. El rebuig de la tesi d’una part del llibre, els termes de la qual donen a entendre que
pot existir un risc per a la salut derivat de l’ús de tals ingredients, creant una alarma
social infundada i clarament interessada.
5. El refús, també, de les formes utilitzades per Santamaria en la campanya de
promoció del llibre, reiterant una vegada més la seva incoherència entre el que diu i el
que practica, i transmetent la imatge d’una guerra en els fogons que, en el sector
professional, només ell ha dut a terme contra tots els col·legues que no l’han seguit.
6. La falta d’ètica en què incorre Santamaria, en el llibre i en la propaganda posterior,
creant una cerimònia de la confusió, tot utilitzant causes justes per justificar atacs i
batalles que tenen finalitats personals, de poder i econòmiques.
7. El Fòrum Gastronòmic, en la propera edició del 2009 girarà, justament, entorn al tema
gastronomia sostenible. I seguirà sent un punt d’intercanvi d’idees, sense traves, al
servei dels professionals de la gastronomia. I seguirem treballant perquè la cuina no
perdi el lideratge que ha adquirit amb anys de treball constant.
El Fòrum sempre ha estat i seguirà sent un espai de pau i llibertat, obert a tothom.
Contra l’odi.
Fórum Gastronòmic
30 de maig de 2008
Cette querelle qui n'est pas sans rappeler celle ayant opposé dans l'hexagone il y a quelques années Ducasse et Gagnaire. On peut noter d'ailleurs la responsabilité des journalistes qui opposent bien trop souvent à mes yeux la cuisine "traditionnelle" et la cuisine "moléculaire" en omettant de préciser que les cuisiniers avant gardistes ont une vraie réflexion sur la gastronomie, se documentent énormément et pratiquent parfaitement la cuisine traditionnelle pour oser ensuite la dériver ainsi.
Il suffit d'ailleurs de lire les ouvrages de ces chefs: plus que des livres de cuisine avec des recettes, ce sont souvent de passionnants voyages dans le temps et dans l'espace. Il y a un vrai contenu dans ces ouvrages, qui ne sont appréhendables qu'après une véritable lecture (pour ceux que ça intéresse, ce ne sont pas les livres qui manquent sur la gastronomie moléculaire, et pour ceux qui lisent l'espagnol, je ne peux que conseiller les livres de Andoni Luis Aduriz, Dani Garcia ou autres).
Ne pas oublier non plus le food pairing qui permet en partant d'une étude moléculaire des aliments de trouver les meilleures combinaisons/associations chimiques théoriques. Aux chefs ensuite d'approfondir le sujet pour vérifier si la pratique en bouche confirme la science. On peut ainsi citer l'association a priori improbable huitre/kiwi du belge Degeimbre que la chimie a révélée comme idéale avant que les papilles ne la confirme...
J'en profite pour signaler la sortie du nouveau numéro du magazine APICIUS en français. Une petite merveille de réflexion sur ce sujet justement.
Pour en revenir à la polémique espagnole, Santamaria a cependant le mérite à mes yeux de poser une question: le droit à l'information des clients existe-il dans la haute gastronomie (à la différence de l'obligation d'étiquetage de l'agroalimentaire)? J'avoue ne pas avoir la réponse...
Quand vous allez manger chez Ferran Adria, n'est-ce pas justement pour goûter une cuisine ludique qui ne ressemble à rien d'autre? Je ne pense pas que le client soit "trompé" sur le contenu de son assiette car il se doute bien que pour faire un caviar de melon, on ajoute des additifs au melon...
En revanche, je pense qu'il est nécessaire que soit mise en place une véritable information sur la notion même de restaurant: au même titre qu'on différencie les boulangeries des dépôts de pain, je pense qu'il serait sain de différencier les vrais restaurants des terminaux de cuisson ou de réchauffage !!! Car rien de plus frustrant que de découvrir au cours du repas que la moitié de ce qu'on a commandé sort d'un bidon, est une poudre mélangée à de l'eau ou bien n'est que réchauffé sur place...
Et vous alors, vous en pensez quoi?