28/08/2015 | par Arnaud Carpon | Terre-net Média
TAFTA, PAC, CRISE DE L’ÉLEVAGE
Après un entretien avec le syndicalisme majoritaire, le chef de l’Etat a reçu quatre représentants de la Confédération paysanne jeudi 27 août 2015. Laurent Pinatel, le porte-parole du syndicat, y a défendu ses revendications pour sortir les éleveurs de la crise, évidemment différentes de celles du syndicalisme majoritaire, ainsi que des mesures pour « changer le système ». Interview.Une délégation de la Confédération paysanne, emmenée par son porte-parole Laurent Pinatel, a été reçue jeudi 27 août par François Hollande. (©Elysée)Terre-net.fr : Avec trois autres représentants de la Confédération paysanne, vous avez été reçu par François Hollande jeudi 27 août. Que lui avez-vous demandé ?Laurent Pinatel : Pour les filières laitière et porcine, nous demandons des mesures de stockage assorties d’une régulation à l’échelle européenne. Le lait doit être encadré par un tunnel de prix. Pour la viande bovine, il faut arrêter les négociations sur le Tafta (accord commercial bilatéral UE/Etats-Unis, Ndlr). Mais, outre-Atlantique, Obama est en fin de mandat, sans avoir la majorité. Le président de la République nous assure qu’on se fait peur avec cet accord alors qu’il ne se ferait pas. Quant au Ceta, l’accord entre l’UE et le Canada, les allemands s’opposent à sa ratification au Parlement européen, nous explique Hollande.Terre-net.fr : Quel réponse avez-vous de François Hollande sur la régulation européenne ?Laurent Pinatel : Il nous a expliqué que l’Angleterre a mis du lait à l’intervention cet été et a demandé un relèvement du prix de l’intervention. Les pays baltes sont aussi dans cette dynamique. Mais Stéphane Le Foll cherche des majorités qu’il n’a pas encore. Tous deux sont conscients qu’il faut trouver une autre solution. Mais l’Allemagne et les pays du nord ne veulent pas entendre parler de régulation. Remplir les frigos européens n’est pas une solution durable.Terre-net.fr : Pour l’élevage, n’êtes-vous pas satisfait du paiement redistributif au profit des 52 premiers hectares et de la convergence ?Laurent Pinatel : La redistribution en faveur des 52 premiers hectares est une mesure qui va dans le bon sens. Mais il faut accentuer le mouvement, en mettant en place une tranche supplémentaire pour favoriser les fermes de taille modeste et porteuses d’emploi. Mieux vaut primer les premiers volumes, les premiers hectares et les actifs. Mais je ne me fais pas d’illusions, ce n’est pas quelque chose qu’il va annoncer la semaine prochaine. C’est davantage une revendication sur le long terme.Il faut instaurer une conditionnalité sociale des aides. Surtout, nous souhaitons que soit mise en place une conditionnalité sociale. En plus de la conditionnalité environnementale et sur le bien-être animal, cette conditionnalité sociale prendrait en compte l’emploi de salariés, la façon dont on les paie et dont on cotise pour eux. Cette conditionnalité des aides permettrait de lutter contre le dumping social de nos voisins européens. Cela redonnerait un peu de morale et d’éthique dans l’emploi des travailleurs migrants et/ou saisonniers.Nous lui avons de nouveau présenté notre projet d’agriculture paysanne. Toutes les exploitations ne sont pas en crise. Les agricultures résilientes le plus souvent non subventionnées ne doivent pas rester des niches alors qu’on continue à subventionner l’industrialisation de l’agriculture pour qu’elle s’en sorte. En soutenant davantage les modèles plus résilients engagés sur des produits de qualité, on pourrait les multiplier.Terre-net.fr : Qu’attendez-vous de la grande manifestation du 7 septembre prochain à Bruxelles ?Laurent Pinatel : Nous serons à Bruxelles le matin avec l’European Milkboard pour demander de dégager tout de suite le marché par du stockage privé et de l’intervention, mais aussi de mettre en place un outil de régulation.Le Copa-Cogeca, qui manifestera l’après-midi, demande la fin de l’embargo russe. Or l’embargo russe est une décision géopolitique touchant aux droits de l’homme. Nous n’avons pas à la juger. Nous déplorons simplement qu’elle n’ait pas été assortie de mesures d’accompagnement pour les filières agricoles touchées.Mieux vaut ne pas produire, plutôt que d'exporter massivement des produits nécessitant des importations massives d'intrants.Plus globalement, nous réaffirmons notre opposition à l’exportation de produits industriels. Vaut mieux ne pas produire que d’exporter. On préfère une agriculture paysanne performante qui crée de la valeur ajoutée sur les territoires.Terre-net.fr : Le syndicalisme majoritaire argue pourtant que les débouchés à l’export, notamment vers la Russie, contribuent au solde positif de la balance commerciale française.Laurent Pinatel : L’argument de la contribution agricole à la balance commerciale ne tient pas, car nosexportations de lait en poudre, par exemple, se font grâce à des importations massives de soja et d'autres intrants.Terre-net.fr : Vous n’irez donc pas manifester aux côtés de la Fnsea jeudi 3 septembre à Paris ?Laurent Pinatel : La Fnsea, et notamment Xavier Beulin, doit arrêter de jouer avec le malheur des producteurs et de les faire descendre dans la rue avec des revendications qui ne sont pas tenables. Demander la préférence nationale sur l’alimentation en France et, dans le même temps, continuer à développer les exportations, c’est un discours dangereux. De même que réclamer moins de normes environnementales. Si la France réduit ses normes, nous iront droit vers une catastrophe majeure. Avec des sols et des eaux durablement pollués, les agriculteurs ne pourront plus exercer leur métier.Avec ces revendications déraisonnables, la sortie de crise va être compliquée. Ce n’est pas en remettant de l’argent dans le portefeuille pour tenir quelques mois supplémentaires que la situation va s’arranger. Tôt ou tard, il faudra changer ce système sous peine d’aller droit à la catastrophe.
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