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Détecter la psychose avant qu’elle ne naisse

Publié le 28 août 2015 par Lana

Par figaro iconSoline Roy – le 27/08/2015

Des chercheurs tentent de développer un test sanguin pour dépister, parmi des sujets à très haut risque, ceux qui développeront une schizophrénie. Objectif : les traiter très tôt pour atténuer, voire éviter, la maladie.

Taciturne, renfermé, colérique, un brin parano et des résultats scolaires en chute libre… Bien des parents soupirent devant ces signes classiques de la crise d’adolescence. Mais chez 1 % des 14-27 ans, ils cachent un risque réel: celui de développer une psychose, au premier rang desquelles la redoutée schizophrénie. Un dépistage précoce des 20 à 30 % de ces sujets à risque qui développeront une psychose est essentiel, car le pronostic d’évolution dépend beaucoup de la rapidité de prise en charge.

Or différencier une mauvaise passe de signes avant-coureurs de la maladie n’est pas chose aisée, en particulier chez l’adolescent à propos duquel les neurosciences ont montré que les structures cérébrales (comme ses comportements) sont «normalement anormales». Ces symptômes peuvent être sujets à mille interprétations de la part des familles, dont certaines affichent une singulière tolérance à des déviances inquiétantes – quand ce ne sont pas les jeunes eux-mêmes qui cachent les plus graves, notamment les hallucinations.

Symptômes non spécifiques

Les médecins, en particulier les non-spécialistes, ne sont pas mieux armés: les prodromes de la maladie, signes annonciateurs d’une possible schizophrénie débutante, ne lui sont pas spécifiques, pas plus que les facteurs de risque. «Un même type de stress pourra favoriser chez l’un une dépression, chez l’autre une schizophrénie et chez un troisième rien du tout selon la façon dont le cerveau est “câblé” ou prédisposé», explique le Pr Marie-Odile Krebs, chef de service à l’hôpital Sainte-Anne (Paris) et directrice de recherches Inserm-université Paris-Descartes.

D’où l’idée de développer des techniques pour affiner le diagnostic au plus tôt, idéalement avant même la première crise psychotique. Publiée en juillet dans Translational Psychiatry, une étude menée par l’équipe du Pr Krebs avec l’université de Cambridge propose ainsi un test sanguin basé sur l’analyse de 26 biomarqueurs moléculaires, qui ont permis d’identifier, parmi des sujets à très haut risque, 92 % de ceux qui allaient développer une psychose dans les dix-huit mois suivant le prélèvement sanguin. «Ces marqueurs ont été mis en évidence sur plusieurs cohortes, précise Marie-Odile Krebs. Nous avons réduit leur nombre et affiné leur valeur prédictive, pour obtenir un test potentiellement utilisable en pratique clinique.»

Maturati

Ce test est encore loin d’être prescrit en routine dans les services spécialisés et il ne saurait être question de l’utiliser sur l’ensemble de la population, avertit la chercheuse. «La plupart de ces marqueurs sont en lien avec des facteurs de plasticité neuronale ou des processus immunitaires et ne sont pas spécifiques à ce que l’on sait de la biologie de la schizophrénie. On les retrouve dans la dépression, le vieillissement…», précise le Pr Krebs. Il ne peut donc s’agir que d’un outil supplémentaire au service du traditionnel diagnostic clinique posé par un spécialiste.

En revanche, les résultats «renforcent l’idée que les processus menant à la schizophrénie sont liés à la maturation cérébrale et à la neuroplasticité», explique la psychiatre. La schizophrénie, dont le risque est à son apogée entre 15 et 30 ans, «est largement liée à cette période de mutation qu’est l’adolescence, qui voit s’opérer une véritable transformation du cerveau». Et la chercheuse de rêver à un médicament spécifique à cette phase prodromique de la maladie, les antipsychotiques n’ayant pas prouvé leur efficacité dans ce cadre.

Prises en charges spécialisées

En attendant, les thérapies comportementales (permettant par exemple d’apprendre à gérer le stress) ou psychosociales (pour éviter notamment la consommation de toxiques, hautement associée au risque de développement d’une psychose) sont des pistes thérapeutiques de plus en plus utilisées . La simple prise d’oméga-3 en est une autre, qui doit encore prouver son efficacité.

«Des prises en charge spécialisées adaptées lors de cette phase prodromique chez des sujets à très haut risque pourraient permettre d’atténuer, voire de ne pas entrer dans la maladie, en renforçant la capacité de leur cerveau à passer outre à une éventuelle fragilité, estime la psychiatre. Dans les pays qui ont mis en place des programmes de détection et d’intervention précoces, le taux de transition, c’est-à-dire le pourcentage des patients à risque qui développent une psychose, a chuté de quasiment un tiers.»


Scruter le discours par ordinateur

Autre piste, une étude américaine de l’Université de Columbia, publiée dans NPJ-Schizophreniaassocie informatique et grammaire pour détecter les psychoses débutantes. Fenêtre sur l’esprit, la parole est ici au centre du jeu: des entretiens menés avec des sujets à haut risque ont été analysés par ordinateur pour étudier les spécificités sémantiques (le sens de leur discours) et syntaxiques (sa structure). Ces variables, susceptibles de révéler une pensée désorganisée, sont déjà scrutées par les praticiens, mais elles seraient mesurées avec plus de précision par la machine estiment les auteurs. Leur programme aurait identifié avec succès les 5 patients (sur une trentaine) qui allaient connaître un épisode psychotique dans les années suivantes. Reste à savoir si, sur un plus grand nombre de participants, le psy de silicium ferait toujours mieux que celui en chair et en os.

http://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/08/27/24051-detecter-psychose-avant-quelle-ne-naisse


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