Interview ... Cécile Corbel par JPROCK
Le 16 aot 2015 Cécile Corbel était la tête d'affiche du Celtic Folkfestival de Ham.
Avec toute la gentillesse qui la caractérise l'artiste a accepté de se confier et de répondre à quelques questions pour Concert Monkey et Concerts-review.
Une manière agréable d'en savoir un peu plus sur cette chanteuse harpiste bretonne aux doigts de fée...
JPROCK : Bonjour Cécile Corbel et tout d'abord bienvenue en Belgique ! Que pensez vous de l'accueil du public belge après votre concert de ce soir à Ham?
Vous sentez-vous chargée d'un devoir de vulgarisation de la musique bretonne au delà de vos frontières?
C.C. : Nous avons été très bien accueillis à Ham, c'est un festival très familial avec un bon esprit.
Nous sommes très heureux de cette escale en Belgique au milieu de notre série de concerts bretons de l'été ! On espère revenir à l'avenir plus souvent chez vous !
JPROCK : Pourquoi la harpe ? D'où vous est venu cet attrait pour un instrument qui se veut atypique et peu courant?
C.C. : J'ai apprivoisé cet instrument en Bretagne après l'avoir découvert à l'adolescence. Ce fut comme un coup de foudre entre elle et moi...C'est comme l'amour, cela ne s'explique pas. En tout cas c'est un instrument idéal pour chanter et composer même s'il reste encore assez méconnu.
JPROCK : La première fois que je vous ai entendue c'est lors d'un séjour en Bretagne en septembre 2014 sur radio Bleu Armorique alors que je roulais en plein milieu de la forêt de Brocéliande en direction de Paimpont.
Quels sont vos liens avec ces légendes bretonnes et toute cette imagerie celtique liée à Merlin et au monde féérique de la culture celte et bretonne en particulier ?
C.C. : Je suis née et ai grandi en Bretagne dans le Finistère bercée par cet imaginaire. J'ai en plus toujours eu un attrait pour les histoires, les lieux "habités", les personnages historiques ou imaginaires, le patrimoine oral, les légendes...Cela s'en ressent dans mes chansons, mais je ne me cantonne pas à la Bretagne !
Mes sources d'inspiration volent au gré du vent.
JPROCK: En 2010 vous avez écrit la musique d'un film d'animation japonais " Arriety , le petit monde des chapardeurs " du studio Ghibli qui vous a valu un disque d'or là bas et une notoriété importante au pays du soleil levant.
Comment expliquez vous l'intérêt des Japonais pour votre musique et comment est née cette collaboration ?
C.C. : Je crois que la chance y est pour beaucoup dans cette histoire.
Le jeu des rencontres et du hasard a fait que ma musique est arrivé aux oreilles des producteurs du film...Le reste de l'histoire est un peu comme un conte de fée.
Les Japonais aiment la musique celtique mais je suis infiniment chanceuse d'avoir vécu cette aventure japonaise qui est née d'un coup de coeur du studio Ghibli pour mes chansons...
JPROCK : Vous est-il arrivé de participer à des festivals autres que de musique celtique comme des festivals pop ou rock ? Parlez moi de vos goûts musicaux en dehors de la musique que vous créez ...
C.C. : J'écris de la musique folk, c'est à dire une musique d'aujourd'hui, pour les gens d'aujourd'hui , mais qui se nourrit à la source de la tradition et d'un imaginaire ancien. Le tout est nourri par mon goût pour la pop music, le rock progressif ou encore la musique baroque !
Difficile de faire rentrer cela dans une case...
J'écoute plein de musiques différentes !
JPROCK : Vous avez partagé l'affiche avec Luc Arbogast qui récemment a donné un concert formidable au Cirque Royal de Bruxelles et qui doit en partie sa notoriété à une émission comme The Voice France. Quelle est votre point de vue sur ces nouveaux tremplins médiatiques par le biais de la télévision ? Auriez-vous pu participer à une telle aventure ?
C.C. : J'ai de l'admiration pour les artistes qui tentent l'aventure de la télévision car c'est un monde assez cruel et je ne crois pas que j'ai le bon caractère pour participer à ces programmes...
Je me sens trop fougueuse et hypersensible pour résister à cette pression que doivent rencontrer les candidats de ces émissions.
Cela dit je suis vraiment heureuse que le grand public ait pu découvrir Luc Arbogast grâce à la TV, il a amené un supplément d'âme et sa différence à l'émission et ça c'est merveilleux !
JPROCK : Quels sont les artistes bretons avec qui vous revendiquez une certaine filiation?
C.C. : J'ai une grande admiration pour Alan Stivell, en tant que musicien et compositeur/auteur. Idem pour Gilles Servat.
J'aime aussi Patrick Ewen, pour son talent de chanteur et conteur, les Sonerien Du pour leur énergie sur scène pour faire danser les gens en Fest Noz, les Ours du Scorff pour la poésie et l'imaginaire de leurs chansons pour les enfants.
J'aime aussi une chanteuse qui a fait des très beaux textes et musiques dans les années 70 mais dont on n'entend plus trop parler, elle s'appelle Ann Krist et a une écriture fascinante, très habitée et profondément celtique.
JPROCK : Pour votre album " La Fiancée " vous vous êtes entourée d'un groupe pop et d'un quatuor à cordes, est ce là une nouvelle direction plus accessible que vous désirez prendre pour l'avenir afin de rencontrer un public plus large?
C.C. : J'ai toujours aimé avoir des instruments à cordes dans mes albums (violon, violoncelle, alto...) mais c'est vrai que mon dernier disque laisse la part belle à des musiciens classiques. Les cordes, le hautbois, le basson, le clavecin et d'autres viennent ainsi colorer les instruments folk plus habituels (harpe, guitare, flûtes...)
Ce n'est pas une nouvelle direction mais une envie rendue possible grâce à la maison de disque.
JPROCK : Contrairement à certaines provinces françaises dont le nationalisme peut s'exprimer politiquement par un rejet de l'autre, la Bretagne oppose une conscience ouverte sur l'Europe et plus largement sur le monde, c'est l'une des régions à avoir le plus voté aux européennes de 2009.
Au fond de vous-même vous sentez vous plus bretonne, française, européenne ou plus simplement une femme libre appartenant à la race humaine?
C.C. : En 2015, j'aime de moins en moins les drapeaux brandis et les frontières.
Je me sens citoyenne du monde et c' est lourd à porter quand je vois la misère des semblables à deux pas d'ici.
Bien sûr je suis fière d'être bretonne mais ce sont surtout les paysages de ma régions qui m'habitent et non un sentiment de supériorité ou de repli sur soi.
La Bretagne est une région très accueillante et ouverte sur le monde mais certains sentiments et revendications le sont moins...
JPROCK : La croix celtique (une croix inscrite dans un cercle) est très présente dans la symbolique bretonne et est liée au christianisme mais aussi à la symbolique de la roue. Que pensez vous de l'affirmation " pour les Bretons le temps tourne mais ne passe pas " ?
C.C. : Dans une vie antérieure (lorsque j'étais étudiante) je me suis beaucoup intéressée aux religions et aux symboles. Ils sont souvent à double tranchant.
La croix celtique est particulièrement ambivalente car souvent récupérée par certains groupes aux idées sombres.
Pour représenter l'esprit de la Bretagne ou l'esprit celtique, je lui préférerais volontiers la Spirale, symbole de l'infini, du souffle et de l'éternel recommencement...
Les vagues, le vent, l'air et même nos petites destinées peuvent être symbolisées par cette spirale celte.
JPROCK : Merci Cécile Corbel de m'avoir accordé un peu de votre temps et bonne route !
Le public belge se réjouit de vous revoir plus souvent en concert chez nous.
Interview réalisée par Jean-Pierre Vanderlinden aka JPROCK-THE BLACK FEATHER
(Accréditation Concert Monkey )