L´édition 2015 du Festival de musique ancienne d´Innsbruck s´est achevée par un concert glorieux donné dans la salle des Géants, la plus somptueuse des salles d´apparat du Palais impérial d´Innsbruck, que l´impératrice Marie-Thérèse (qui régna de 1740 à 1780) fit transformer dans le style du rococo viennois courtois. C´est dans ce prestigieux univers blanc et or et entourés des portraits de Marie-Thérèse et de ses enfants que l´on a pu suivre un second grand concert français donné par des musiciens qui comptent parmi les plus grands spécialistes de la musique de Jean-Philippe Rameau, la soprano Sandrine Piau et l´orchestre baroque des Paladins dirigé par Jérôme Corréas. Avec Rameau, quelques jours après l´Armide de Lully, l´opéra baroque français baroque est décidément à l´honneur cette année dans la capitale tyrolienne!
Jérôme Corréas et Sandrine Piau
Le concert, intitulé Les surprises de l´amour, résulte de la collaboration entre Jérôme Corréas et Sandrine Piau, deux amoureux de la musique de Jean-Philippe Rameau dont la complicité autour du grand compositeur français de tragédie lyrique est bien connue. Déjà présenté au public français, notamment à Montpellier en 2014, ce concert dresse un portrait de l´oeuvre de Rameau avec un programme choisi présentant des extraits connus et moins connus des Indes galantes, de Castor et Pollux, de Platée ou des Paladins. Un programme qui alterne des moments de lyrisme tragique poignant et d´autres très humoristiques, comme cet extrait de Platée avec l´ "Air pour les fous gais, air pour les fous tristes, les gais se mêlent aux tristes" et le récit et air de la Folie "Formons les plus brillants concerts… Aux langueurs d’Apollon, avec des moments rares comme ce "je vole, Amour", l´air d´Argie dans les Surprises de l´Amour.L´ensemble baroque les Paladins, Jérôme Corréas
Les Paladins et Sandrine Piau nous ont offert un concert parfait démontrant s´il le fallait encore la richesse et la variété de l´oeuvre du compositeur dijonnais. Le public ravi, qui a réservé une extraordinaire ovation à ces musiciens hors pair, s´est encore vu offrir trois bis, qui furent l´occasion de nouvelles découvertes, dont un extrait du Scanderberg de Rebel et Francoeur, et le "Viens, Ymen "des Indes galantes pour lequel Jérôme Corréas a accompagné Sandrine Piau au clavecin.On a vécu à Innsbruck une soirée d´exception, avec la magie envoûtante de Sandrine Piau et des Paladins, qui interprètent les oeuvres de Rameau dans une entente parfaite, avec un rendu exquis des couleurs et du clair-obscur de ses compositions dans lesquelles la soprano flirte avec la flûte et le basson dans le paysage tendu par les cordes pour une fabuleuse fête des sens au cours de laquelle le corps de Sandrine Piau se tend comme une corde vibrante et ne semble plus faire qu´un avec le son et les harmonies, avec un vibrato d´une incroyable beauté. La chanteuse semble se jouer de toutes les difficultés, sautille d´un personnage à l´autre avec l´agilité du dieu Pan, amoureuse ingénue ici, là femme épanouie ou prophétesse, tantôt tragique et lyrique, tantôt d´un comique innocent. du tout grand art!
Un concert de clôture à l´image et à la ressemblance du Festival de musique ancienne d´Innsbruck 2015: exceptionnel!
Luc Roger