Si tout cela possède un quelconque sens... je veux dire tout ça, écrire.... sans devenir une carpette médiatique ni un représentant de commerce... en revenir au début, à ce désir premier : savoir ne rien attendre.
Faire. Tenir. Aller au bout. Sans se demander si ceci ou cela. Si c'est trop bleu, si tu mets trop de rouge. Ecrire au-delà des couleurs. Dans l'édition de mes livres dans des maisons sérieuses je cherchais naguère le droit à continuer, l'invitation à poursuivre.
Je suis un âne. Quiconque respire est en charge de poursuivre ; qu'on l'encourage ou pas. Suis ton désir brûlant. Ne trahis pas la main qui continue.
Je me souviens de ce petit bar-blues de New-Orleans où Bob Dylan est entré, un soir qu'il voulait tout envoyer promener. Il a observé le groupe, juste des types à la coule qui s'éclataient à jouer ensemble sans se demander s'ils étaient au niveau... Du reste, au niveau de quoi... Juste ce plaisir spontané du "faire". Bob ce soir-là a saisi la leçon.
Ce "juste ça" te libère. S'il faut si longtemps pour digérer un échec, c'est qu'il ne fallait sans doute pas reconnaître les règles de la compétition ni se soumettre à jugement. Ecrire sera cet encore, ce plus loin et ce vif. Sans prix, sans lecteur, sans éditeur. Remonter à la source. A la flamme première au coeur de l'incendie.
Va te faire foutre, "monde littéraire", avec tes talents et tes misères, tes rentrées littéraires, tes éternelles Angot, tes Nothomb, tes Houellebecq. Publier, être lu, c'est bien. Mais ça ne vaudra jamais le simple fait d'écrire, solitaire et nocturne, pleinement connecté à une totalité de soi seul connue.
Ecrire. Pousser un peu plus loin la ligne. Ni ceci ni cela. Juste ce verbe vagabond qui ouvre la pensée et invente ta vie. Faire un livre ? Plutôt suivre l'écriture là où elle va.