Maestro est un film qui est sorti en salles en 2014 en France et que l’on pourra voir aux cinémas du Québec dès le 28 août. Le personnage principal est Henri Renaud (Pio Marmaï), un acteur qui manque d’expérience, mais qui éprouve une fixation envers les films d’action. Ironiquement, il est engagé par le réalisateur Cédric de Rovère (Michael Lonsdale) pour tenir le rôle principal dans une adaptation cinématographique de L’Astrée, un roman pastoral du XVIIe siècle publié par Honoré d’Urfé. Ce tournage qui au départ s’annonçait ennuyeux changera au contraire la vie d’Henri, tant dans sa conception du cinéma et de l’art qu’avec les amitiés solides qu’il y nouera. Comédie dramatique réalisée par Léa Fazer, Maestro, sans être un grand film nous transmet ce sentiment de quiétude et nous transporte doucement dans un autre univers, ce qui était bien le but du film; une sorte d’hommage au réalisateur Éric Rohmer. Mais derrière cette façade somme toute légère se cache un drame personnel ou réalité et septième art sont intrinsèquement liés.
Le film d’auteur
Depuis longtemps Henri enchaîne les rôles secondaires et des présences dans des publicités et c’est lors d’un tournage avec sa meilleure amie Pauline (Alice Belaïdi), qu’il apprend que le réalisateur de Rovère est à la recherche d’acteurs pour son nouveau film. Lors de son audition, Henri enchaîne mensonge sur mensonge et réussit à se faire engager. Donc, lui et son colocataire Nico (Nicolas Bridet) partent pour un tournage dans un petit village isolé du sud de la France. Au début, personne mis à part l’équipe technique ne prend vraiment au sérieux ce réalisateur qui désire recréer à l’écran une œuvre littéraire complexe, mais petit à petit, le charme opère particulièrement pour Henri qui malgré ses maladresses s’attire les sympathies de Rovère. En même temps, il tombe amoureux de Gloria (Déborah François), une actrice de théâtre qui vénère littéralement le réalisateur, mais son charme n’opère pas, du moins au début.
Faire un film sur un film, ça s’est déjà fait, mais dans Maestro, on met l’emphase sur deux types de culture qui s’entrechoquent; le populaire incarné par Henri et l’élitiste par de Rovère. Henri au départ reflète peut-être le téléspectateur moyen; celui qui lorsqu’il va au cinéma veut s’évader l’espace d’un moment, sans trop réfléchir et à la recherche de sensations fortes. Or, c’est un peu ce qu’on retrouve ici puisqu’on ne regarde pas le film sérieux que de Rovère est en train de tourner, mais bien les coulisses où une ambiance chaleureuse règne entre tous les artisans. La campagne isolée favorise cette camaraderie et on ne peut s’empêcher de sourire en voyant Henri et Nico avec des bigoudis sur la tête en attendant de tourner leur scène ou alors d’assister à toutes sortes d’accidents loufoques « qui ne s’inventent pas ». Dans le film, exit les clichés, qu’il s’agisse de rivalités entre acteurs, d’égos démesurés ou de gaspillage de fonds; tous (et éventuellement Henri) sont ici parce qu’ils croient au projet et surtout en leur maître.
La force de Maestro est qu’on ne cherche pas qu’à nous divertir, mais aussi à nous initier, comme Henri, à une forme d’art plus aboutie. En premier lieu, c’est la mise en scène qui contribue à cette intention : la plupart des plans sont tournés à « l’heure magique », c’est-à-dire en fin d’après-midi qui nous transmettent une beauté calme et apaisante. La première lecture de scénario qui a lieu dans une église médiévale alors que des rayons de soleil traversent les vitraux donne bien le ton du film que de Rovère à l’intention de tourner : empreint de « poésie, fantaisie et délicatesse » pour le citer. D’ailleurs, lorsqu’il récite des poèmes, il précise qu’il n’est pas nécessaire de tout comprendre, mais plutôt de se laisser bercer par les mots; ce qu’il tente de reproduire à l’écran. Ces observations du maître nous laissent songeurs comme lorsqu’il explique qu’il n’a pu tourner le film à l’endroit original décrit dans le livre d’Urfé parce que depuis, une vulgaire usine s’y est implantée, ce à quoi il ajoute :« Chaque jour un peu de l’unicité du monde disparaît ». C’est sûrement cette nostalgie qui explique sa détermination à snober le numérique pourtant beaucoup moins cher que la coûteuse pellicule : des principes au service de l’art.
L’autre histoire
Comme on nous l’indique en introduction du film, Maestro est inspiré d’un fait vécu. En effet, c’est l’acteur Jocelyn Quivrin qui est l’origine du scénario, lui qui en 2007 a tenu le rôle principal du film Les Amours d’Astrée et de Céladon d’Éric Rohmer et qui s’est effectivement retrouvé en compétition officielle à la 64e édition de la Mostra de Venise. Quivrin, bien qu’ayant commencé très tôt à jouer la comédie (il a eu son premier rôle à 14 ans dans le film Louis, enfant roi de Roger Planchon), jusqu’à sa rencontre avec Rohmer, a enchaîné une quantité d’autres rôles pas vraiment mémorables. Dissipé et taquin comme Henri, sa rencontre avec le réalisateur a été une vraie relation et c’est aussi sur le plateau qu’il a eu le coup de foudre pour l’actrice Alice Taglioni (Gloria dans le film) rencontrée précédemment au cours d’un autre tournage. Elle est par la suite devenue sa femme et lui a donné un fils qui est né en mars 2009. Puis, le 15 novembre, Quivrin est mort dans un accident de la route à Saint-Cloud à l’âge de 30 ans et quelques mois plus tard, c’était au tour de Rohmer de trépasser. Maestro étant déjà en branle, c’est Léa Fazer qui a terminé le travail, rendant ainsi hommage aux deux hommes. Lorsqu’on connaît cette histoire, on regarde le film d’un autre œil, surtout au moment où Henri, alors qu’il rentre chez lui après un tournage est victime d’un accident de moto mineur…
Bons acteurs, direction photo soignée et sujet à la fois léger et profond, Maestro vaut assurément le coup d’œil. Sans être la fiction de l’année, le volet dramatique issu d’événements réels apporte une plus-value au film digne de mention. Bien que l’acteur Jocelyn Quivrin soit peu connu au Québec, espérons que le public sera tout de même au rendez-vous.