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Ne laissons pas s'échapper le Portugal et son pouvoir d'innovation
Publié le 28 août 2015 par ToulousewebC’est malheureusement le cas tous les étés, les incendies de foręts ou de pinčdes ont sévi. En Aquitaine nous en avons eu en juillet. Sur la côte ouest des Etats-Unis ils se poursuivent tandis que le Portugal semble enfin s’ętre débarrassé de ce fléau qui n’est pas uniquement climatique mais probablement criminel. Ces zones géographiques ne sont malheureusement pas les seules ŕ ętre touchées puisque l’Australie aussi connaît tous les ans de tels sinistres. Un moyen de lutte est commun ŕ tous ces pays : les avions et les hélicoptčres.
Les moyens aériens de lutte sont divers. Mais ils se résument tous aux avions et hélicoptčres. Pourquoi se préambule ? Parce qu’on pourrait imaginer que pour ce qui concerne l’Europe, l’utilisation des fameux Canadair - ce que nous appelons ici les bombardiers d’eau - auraient pu susciter l’implantation de leur constructeur, le groupe Canadien Bombardier ŕ prendre pied en Europe autrement que par sa division ferroviaire dont il est en train de se départir. Il n’en est rien.
Car le Portugal a attiré non pas Bombardier, mais son plus virulent concurrent le Brésilien Embraer. Certes la langue est lŕ pour aider aux échanges, mais cela ne fait pas tout. Embraer y est allé ŕ petit pas prenant tout d’abord une participation dans la firme d’Etat Ogma pour en devenir le principal actionnaire en 2005. Une entreprise aujourd’hui florissante qui a élargi ses compétences passant d’un simple atelier de maintenance au service des forces armées portugaises ŕ celle d’un fournisseur de rang 1 pour des programmes aussi variés que le Pilatus PC-12, le C295 d’Airbus Defence & Space, l’EC365 d’Airbus Helicopters, les Falcon de Dassault Aviation ou encore le KC-390 d’Embraer, pour n’en citer que quelques uns.
Mais le Portugal a paru si attrayant ŕ Embraer qui souhaitait mettre un pied en Europe, qu’il a choisi d’y constituer deux centres d’excellence qui n’existaient pas au Brésil et qui ont tous deux été inaugurés en męme temps, en septembre 2012.
Il s’agit des entreprises distinctes Embraer Compositos et d’Embraer Metalicas qui travaillent pour les trois divisions d’Embraer : l’aviation commerciale, l’aviation d’affaires et les avions militaires.
A l’encontre de son grand compétiteur, Embraer a donc pris pied au Portugal alors que Bombardier a décidé de s’installer au Maroc.
Loin de moi l’idée de faire l’apologie de l’un ou l’autre des pays. Mais il semble bien que l’intuition d’un certain industriel français, le PDG du groupe Lauak, de s’installer au Portugal fait bien des émules en ces temps perturbés par les difficiles géopolitiques du monde arabe.
Le choix qu’a fait Lauak de s’implanter au Portugal plutôt qu’au Maghreb remonte ŕ 2003. Et son patron, Jean-Marc Charritton expliquait déjŕ qu’il avait été grandement mené par des raisons de stabilité politique, de coűt de logistique (il n’y a pas de rupture modale entre le Portugal et la France) et que ce pays dispose de personnel soit déjŕ formé aux technologies aéronautiques (grâce ŕ la présence d’Ogma ou de TAP Engineering), soit parce qu’il est pręt ŕ recevoir la formation adéquate. Et outre les universités, le Portugal a mis sur place des écoles de formation pour le secteur aéronautique (IEFP) dont celui d’Evora, inauguré en 2012, (matériaux composites, traitements de surface, atelier d’assemblage-rivetage, impression 3D, contrôle qualité, formation ŕ l’informatique sur logiciel Catia, Autodesk, MasterCam, etc. Un centre un petit peu plus ancien avait déjŕ vu le jour sur le site de Setubal oů est implanté Lauak.
Lauak qui a depuis fait des émules … męme auprčs d’entreprises qui avaient déjŕ pris pied dans les pays maghrébins.
Ainsi, Mecachrome implanté non seulement en Tunisie mais aussi au Maroc a mis en place fin 2014 un atelier sur la Ť Bluebiz Global Parques ť ŕ Setubal. Une installation en location qui lui permet d’étudier les alternatives qui lui sont offertes car il a bien l’intention de s’agrandir. Ce ne sont pas les 2 700 m2 loués qui lui suffiront, mais 20 000 m2. Un programme ambitieux mais qui répond aussi aux montées en cadence chez ses principaux clients, qu’il s’agisse des avionneurs et leurs fournisseurs de rang 1 tel que Stelia ou encore des motoristes avec Safran, notamment. Des activités portugaises qui ont débuté avec la chaudronnerie mais qui se renforcent déjŕ progressivement dans l’usinage avec l’arrivée des premičres machines.
Trois associations, la Pemas (pour l’aéronautique), Proespaço (pour l’espace) et Danotec (pour la défense) soutiennent les industriels et pour peser plus au niveau international, ces trois entités ont déjŕ adopté un logo unique l’AED Portugal, des locaux et un personnel commun. De quoi optimiser les cotisations des 68 entreprises adhérentes et d’avoir une meilleure visibilité au niveau européen. C’est une premičre étape vers la création d’une seule entité juridique. Mais cela a déjŕ eu pour effet d’ętre intégré dorénavant comme partenaire de CleanSky 2. Au total, l’AED affiche un chiffre d’affaires qui dépasse les 1 700 millions d’euros pour un effectif d’un peu plus de 18 000 personnes.
L’attractivité du Portugal ne se résume pas seulement ŕ l’implantation d’entreprises étrangčres, elle consiste aussi dans l’esprit d’innovation que laisse transparaître ses industriels. Sans męme attendre d’ętre partie prenante d’un programme européen voir seulement national, un groupe de 4 industriels ont lancé au début de la décennie un programme de R&D qui avait culminé avec la présentation au salon du Bourget 2013 d’une maquette d’un fuselage d’avion d’affaires futuristes. Un concept qui avait d’ailleurs été primé au salon Aircraft Interiors ŕ Hambourg laissant sur place le projet présenté par Airbus.
En 2015, toujours sur les bases de l’autofinancement le consortium portugais (Almadesign, Inegi, SET et Embraer Compositos) et en partenariat avec Embraer SA au Brésil, a lancé le programme NewFace dont les trois concept d’avions ont été présentés cette année au salon du Bourget : un concept d’avions bipoutre ŕ décollage court, l’Utility, un avion de type 150 places avec une voilure haubanée vers l’arričre formant boîte de torsion capable d’augmenter les caractéristiques aérodynamiques de l’appareil, c’est le projet Box Wing, tandis que l’avion d’affaires qui découle du projet Life est surnommé V-Tail ce qui rappelle sa dérive en V et sa voilure qui a adopté des winglets.
Ce consortium n’a pas dit son dernier mot pour l’avenir car la jeune équipe qui le pilote cogite sur bon nombre d’autres sujets afin de faire émerger des technologies matures pour le tournant des années 2030. Ainsi déjŕ dans ses cartons existe un projet d’avions non pas ŕ deux couloirs mais ŕ trois couloirs avec un fuselage ovale. Un concept d’ailleurs que les Russes avaient déjŕ imaginé dans les années 1990 avec le Tu-304 et repris maintenant avec le projet Frigate Ecojet filiale du consortium Rosavia et qui pourrait ętre produit ailleurs qu’en Russie… pour un premier vol toujours programmé pour l’horizon 2019 et une mise en service commerciale en 2021.
Nicole Beauclair pour AeroMorning