Photo ©Peter Andrews/Reuters
Selon le Stockholm Environment Institute, le protocole de Kyoto aurait dopé l'émission de 600 millions de tonnes de CO2 en Russie et en Ukraine. Selon le document publié dans la revue Nature Climate Change, environ 80 % des projets de la Mise en Oeuvre Conjointe (MOC) -mécanisme à l'oeuvre dans les pays de l'ex-URSS- était de faible qualité environnementale. "De nombreux projets ne respectaient pas les exigences de la MOC* sur ' l'additionnalité ', et je doute même de l'existence physique de certains de ces projets", a déclaré Vladyslav Zhezherin, un des auteurs du rapport. "Je pense que beaucoup d'entre eux étaient faux". Sous couvert d'anonymat, un haut responsable des Nations unies a déclaré au journal Guardian que le nouveau rapport était "approfondi et probablement correct", juste avant que l’UE n'interdise les crédits carbone issus de gaz industriels sur son propre marché. Suite à cette interdiction, un effet pervers s'est produit : en Russie et en Ukraine, les usines de production de ces gaz à fort impact sur l'effet de serre se sont mises à tourner à plein régime. Les deux pays se sont vengés de l’interdiction européenne, selon un expert : "Vous bloquez nos crédits carbone, nous envahissons vos marchés". Il s'agissait principalement de gaz réfrigérant (gaz HFC), dont l'impact sur le réchauffement climatique est jusqu'à 11.000 fois plus important sur le CO2. Une autre source connaissant la réglementation du marché du mécanisme de MOC en Ukraine a déclaré au Guardian que plus les années passaient, plus les acteurs du marché percevaient la MOC comme un "mécanisme de corruption. L’approbation des projets a cessé de dépendre de leur qualité pour dépendre simplement de relations et de paiements parallèles". Pour obtenir l'approbation officielle et être ainsi inclus dans le mécanisme de MOC, les acteurs du marché ukrainien ont souvent transféré des crédits carbone à un nombre limité d'entreprises intermédiaires en Suisse, affirme cette même source.
La Russie et l'Ukraine sont les deux plus grands bénéficiaires du système, qui leur a permis de vendre des Unités de Réduction d'Emissions (URE) en "prouvant" que ces mêmes réductions d'émissions avaient été réalisées. En effet dans le cadre de la voie 1 du mécanisme MOC, qui couvrait environ 97 % des projets, les deux États vérifiaient les réductions d’émissions entre eux, sans la surveillance de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Par ailleurs, Anja Kollmuss, l'autre auteure de l'étude a déclaré que les conséquences de cette fraude pour le régime européen d’échange de quotas d’émissions (ETS) étaient importantes. "Presque deux tiers des crédits carbone de la MOC ont été utilisés dans le système d'échange de quotas d'émissions. La qualité médiocre des projets de la MOC en général a donc affaibli l'objectif de réductions des émissions de l'UE d'environ 400 millions de tonnes de CO2, soit un tiers des réductions requises par l'ETS de 2013 à 2020". Les entreprises européennes ne pouvaient toutefois utiliser qu'un nombre modéré de crédits, soit 10 % de leurs besoins. Plus d'un quart des crédits carbone de la MOC ont été attribués à des projets destinés à mettre un terme à la combustion spontanée du charbon, notamment en Ukraine. L’estimation de Kiev selon laquelle 30 % de son charbon est concerné par ce risque est "complètement irréaliste" et a probablement entraîné l’octroi excessif de crédits carbone, peut-on lire dans le rapport.FGLa *MOC permet à une entreprise d'un pays développé, qui a réalisé des investissements dans un autre pays développé, de se voir attribuer des crédits d'émission appelés "UREs" (Unité de réduction d'émissions).
*Crédits carbone : unité correspondant à une tonne d'équivalent CO2 (dioxyde de carbone) sur les marchés du carbone (Marché des permis d'émission).