Les éditions Fissile ont publié récemment une traduction d’Inventaire du poète allemand Günter Eich.
Inventaire
Ceci est ma casquette,
ceci est mon manteau,
et mes affaires de rasage
dans le sac en toile.
Boîte de conserve :
mon assiette, mon gobelet,
j’ai dans son fer-blanc
gravé mon nom.
Gravé ici avec ce
précieux clou
qu’aux yeux envieux
je dissimule.
Dans le sac à pain
une paire de chaussettes en laine
et certaines choses que
je ne montre à personne,
il sert d’oreiller
à ma tête la nuit.
Ce carton est posé là
entre moi et la terre.
La mine de crayon
est ce que j’aime le plus
le jour elle m’écrit les vers
que j’ai conçus la nuit.
Ceci est mon carnet,
ceci est ma toile de tente,
ceci est ma serviette,
ceci est mon fil à coudre.
Inventur
Dies ist meine Mütze,
dies ist mein Mantel,
hier mein Rasierzeug
im Beutel aus Leinen.
Konservenbüchse:
Mein Teller, mein Becher,
ich hab in das Weißblech
den Namen geritzt.
Geritzt hier mit diesem
kostbaren Nagel,
den vor begehrlichen
Augen ich berge.
Im Brotbeutel sind
ein Paar wollene Socken
und einiges, was ich
niemand verrate,
so dient es als Kissen
nachts meinem Kopf.
Die Pappe hier liegt
zwischen mir und der Erde.
Die Bleistiftmine
lieb ich am meisten:
Tags schreibt sie mir Verse,
die nachts ich erdacht.
Dies ist mein Notizbuch,
dies meine Zeltbahn,
dies ist mein Handtuch,
dies ist mein Zwirn.
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En conclusion
Et laisse la neige
entrer par les fissures des portes,
le vent souffle, c’est son affaire.
Et laisse Lena être oubliée,
une fille qui
buvait dans la lampe l’alcool à brûler.
A pris place parmi les
images du dictionnaire Meyer,
de l’encyclopédie animale Brehms.
Entrailles, formes montagneuses, manne des pêcheurs,
et laisse la neige
entrer par les fissures des portes
jusqu’au lit, jusqu’à la rate,
où siège la mémoire,
où siège Lena,
le léopard, la mouette avide,
astuces mnémotechniques en
livraisons jaunes et abonnées.
Et laisse souffler le vent,
puisqu’il ne sait rien faire d’autre,
et accorde à Lena
une autre gorgée de lampe
et laisse la neige
entrer par les fissures des portes
Abschließend
Und laß den Schnee
durch die Türritzen kommen,
das ist sein Geschäft.
Und laß Lena vergessen sein,
ein Mädchen, das
Spiritus aus der Lampe trank.
Ging ein in die Ab-
bildungen aus Meyers Lexikon,
Brehms Tierleben.
Eingeweide, Gebirgsformen, gemeines Uferaas,
und laß den Schnee
durch die Türritzen kommen
bis ans Bett, bis an die Milz,
wo das Gedächtnis sitzt,
wo Lena sitzt,
der Leopard, die süchtige Möwe,
Rechenkniffe in gelben
Lieferungen und abonniert.
Und laß den Wind wehen,
weil er sonst nichts kann,
und gönne Lena
noch einen Schluck aus der Lampe
und laß den Schnee
durch die Türritzen kommen.
Günter Eich, Inventaire, traductions de l’allemand d’Hugo Hengl, éditions Fissile, 2015, pp. 10 et 41.
Bio-bibliographie de Günter Eich