La logique de l’amanite de Catherine Dousteyssier-Khoze 3,5/5 (14-07-2015)
La logique de l’amanite (224 pages) sort le 26 août 2015 aux Editions Grasset.
L’histoire (éditeur) :
Nikonor, érudit snob et acariâtre, vit retranché dans son château, en Corrèze. Il se passionne pour la mycologie (surtout cèpes et amanites) et la littérature.
Au fil des pages, on va découvrir les confidences étranges qu’il nous livre sur sa famille.
Pourquoi voue-t-il une telle haine à sa sœur jumelle Anastasie ? Et qu’est-il advenu de ses proches ?
Mon avis :
S’attaquer à un premier roman, c’est prendre des risques, surtout lorsqu’aucun retour n’a encore été filtré. Qu’à cela ne tienne, j’ai décidé de me fier à cette quatrième de couverture tentante et pour le moins curieuse et intrigante. Ça n’aura pas été une mauvaise surprise, car c’est une de ces romans que je n’aurais sans doute jamais lus sans une dose de culot et que je suis contente d’avoir osé découvrir. Même si je ne l’ai pas trouvé parfait, j’ai trouvé certains partis-pris singuliers pas désagréables et l’ensemble reste même plaisant.
« C’est aujourd’hui avec un mélange poignant de trépidation et de nostalgie que je circule dans l’allée des souvenirs, que je m’arrête ici et là pour en saisir un, l’examiner, le tourner dans tous les sens, comme un joli caillou blanc recueilli dans un ruisseau, afin de voir si quelques chose remonte à la surface, qui m’aurait autrefois échappé. Il arrive parfois que le caillou fasse boule de neige et déclenche une avalanche massive de flash-backs, pas toujours des plus agréables. Je pédale alors pendant des jours et des nuits entières en plein délire herméneutique, à essayer de faire passer un fil dans le chas trop étroit d’une aiguille, bref à décoder péniblement le sens d’une écharde de passé. Et je me rends alors à une évidence : tout n‘est pas élucidable. Il faut savoir se résigner à la part d’opacité, de mystère, qui entoure certains événements, certaines destinées. » Chapitre 3
Nikonor Pierre de la Charlanne décide de rédiger ses mémoires, estimant avoir suffisamment de temps avant les évènements…des évènements mystérieux, liés à sa jumelle Anastasie, qui semblent aussi inéluctables que désagréables.
C’est un homme âgé qui narre son histoire, un homme passionné par les sciences (celles des champignons et spécialement celles des cèpes), la gastronomie et la lecture. Il revient sur son enfance, ses études détournées au profit d’activités moins licites, son arbre généalogique fourmillant de personnages hauts en couleurs (tels que Aristide le sanguinaire ou Abigail de la Tournerie l’empoisonneuse) et surtout sur les soupçons constants qu’il a envers sa sœur. Le vocabulaire qu’il associe à Anastasie est sans équivoque, dégradant, mauvais et plein de ressentiment (« Ma sœur avait dû fourrer son long nez de fouine là-dessous, cette garce était d’une jalousie maladive. Anastasie, la petite garce perverse. Le but ultime de son existence, l’élan vital vers lequel tendait tout son être gracile, était de me nuire, de m’anéantir, de m’annihiler. Cette araignée mygalomorphe guettait l’occasion pour frapper un grand coup et m’annihiler once and for all. »).
Sans jamais donner de détails sur les faits, le narrateur laisse planer un sentiment de menace, un danger et une dérangeante inquiétude au sujet de cette femme qui donne envie d’en savoir plus, d’arriver vite aux dernières pages que l’on s’imagine être une rencontre explosive ou dramatique.
Nikonor est un homme cultivé et son récit transpire cette érudition. La narration prend des allures guindées qui collent parfaitement au personnage et à l’idée qu’on s’en fait. Il étale allègrement sa science avec de multiples références à ses lectures (Baudelaire, Balzac, Proust, Nicambre de Colophon, Chateaubriand, Charles Cros..) et à ses connaissances en sciences naturelles. Toutes ces digressions finissent par avoir un sens. Les références servent à consolider ses propos, ajuster ses réflexions et conduire le cheminement de son récit. Mais pas toujours cependant, car certains passages tiennent juste lieu d’étalage de sa culture et d’occasion de parler de ce qu’il aime.
Même si c’est parfois un peu lourd et qu’on se demande quand va véritablement commencer l’histoire, on se prête au jeu de ces écarts parce que la narration a aussi quelque chose de drôle et de pittoresque. Et dans ces tournures sombres, pompeuses ou rigides, Nikonor dérape de temps en temps et donne une touche d’humour très plaisante.
La fin...La fin…bon j’étais loin de m’attendre à ça alors oui, il y a l’effet de surprise, mais aussi une petite déception de ne pas recevoir ce que j’attendais. Tout ça pour ça ? Ce n’est pas une mauvaise fin en réalité, c’est juste que j’attendais un dénouement plus…moins…différent, tout simplement.