Notre ami Jack Goody est mort le 16 juillet dernier. Je l’avais vu pour la dernière fois en 2009 dans son St John’s College de Cambridge pour son 90ème anniversaire. Il nous a donné une œuvre immense et surtout sa Raison graphique dont le titre anglais est devenu le sous-titre français, La domestication de la pensée sauvage dont la préface de Bazin et Bensa présente les objectifs. Il s’opposait au Lévi-Strauss de la Pensée sauvage en insistant sur l’historicité des pratiques et non des « structures ». Ce fut aussi un des premiers anthropologues à utiliser le magnétophone fut-il transporté par avion puis amené par porteurs dans un village du Ghana aux frais de la BBC, ayant été pris aux Allemands lors de la Victoire ainsi qu’il me l’a raconté. Plus tard, grâce à un « Philips » il a pu prouver les bouleversements que connaissent les textes réputés être récités à l’identique de toute éternité, ce fut Le mythe du Bagré.
L’histoire des pratiques fut au centre de ses préoccupations en amitié avec Eric Hobsbawm avec qui il avait découvert la Méditerranée en 1939. Il a développé de larges fresques sur des sujets immenses qui lui permettaient de déployer son insatiable curiosité. Le vol de l’histoire, dont a rendu compte Antropologia Bordeaux me semble le plus réussi. Il pouvait une fois encore dénoncer l’européocentrisme, refuser le « grand partage » entre l’Occident et le reste, combat que sa Raison graphique avait intellectuellement gagné.
Jack Goody qui avait une maison à La Capera près de Figeac, était souvent venu à Bordeaux pour des jurys de thèse (Doquet, Jaujou) et des colloques (anti-autoritarisme, lecture…). Il était docteur honoris causa de l’Université de Bordeaux depuis 2004.
Bernard Traimond
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