Aujourd'hui, je ne développerai pas le krach boursier en Chine, car j'ai déjà apporté une analyse détaillée dans ce billet. Je dirai juste que ce séisme financier, qui menace désormais d'emporter dans son sillage les autres places financières du monde, apporte la preuve éclatante que la globalisation financière conduit à des crises systémiques très difficiles à arrêter.
Dans mon dernier livre, dans mes cours à la cafet'éco de Sarreguemines et à l'UPT de Forbach, tout comme dans cette petite vidéo que j'ai réalisée, je n'ai eu de cesse de répéter et d'expliquer que la Chine était à la veille d'une crise majeure. Mais les Européens ne souhaitent pas exercer leur discernement pour le comprendre, trop obnubilés qu'ils sont à parler de dette publique notamment en Grèce. Et bien aujourd'hui, pour prendre le contrepied de l'actualité, ce presque-premier billet de rentrée sera consacré à... la dette publique !
Le niveau élevé des taux d'endettement public
Le taux d'endettement public, mesuré en % du PIB, est très élevé dans de nombreux pays du monde et en particulier au sein de la zone euro :
[ Source : Eurostat ]
Dans le trio de tête, on trouve ainsi la Grèce (168,8 %), l'Italie (135,1 %) et le Portugal (129,6 %), ce qui m'amène à remarquer que les pays aidés par la troïka ont une fâcheuse tendance à voir leur taux d'endettement public prendre une dynamique non soutenable... La France, avec un taux de 97,5 %, se situe au-dessus de la moyenne de la zone euro (92,9 %). A l'autre bout du spectre, on trouve l'Estonie (10,5 %), le Luxembourg (21,6 %) et la Bulgarie (29,6 %).
Ce billet n'a pas vocation à être un cours complet sur la dette publique, mais rappelons juste que ce qui compte n'est pas tant le niveau de ce ratio d'endettement public que sa dynamique. Tout le monde comprend, en effet, que si ce ratio ne cesse d'augmenter sous le coup d'une baisse du PIB et/ou d'une augmentation de la dette publique plus rapide que la croissance, alors le pays perd la maîtrise de sa dette publique, à l'image de la Grèce qui, faut-il encore une fois le répéter, est insolvable.
Comment fait-on pour réduire la dette publique ?
J'attire l'attention du lecteur sur le fait que ce n'est pas le stock de dette publique que les États cherchent à baisser pour éviter ce que l'on appelle un debt overhang (faible croissance résultant d'un endettement public trop élevé), mais le taux d'endettement public, c'est-à-dire le stock de dette publique rapporté au PIB. Certes, mais comment fait-on pour réduire le taux d'endettement public ?
4 solutions possibles :
* faire en sorte que les taux d’intérêt à long terme soient inférieurs à la croissance nominale. En effet, dans ce cas, l’écart entre croissance et taux d’intérêt réduit le taux d’endettement chaque année, et le pays peut donc se désendetter à moindre frais.
Le problème est que cela dépend de la politique monétaire menée par la Banque centrale qui, le plus souvent, est indépendante et rechignera à garder trop longtemps les taux à court et long terme bas (risque d'inflation, risque de formation de bulles, etc.). De plus, cette méthode de désendettement est très lente et peut conduire certains États à ne pas respecter le sacro-saint objectif d'équilibre budgétaire exigé par la Commission allemande européenne.
* allonger la maturité de la dette publique. C'est ce que l'on appelle également une restructuration de la dette publique, et qui est (était ?) au coeur des négociations en Grèce. L'État va donc échanger ses titres de dette publique actuels contre des titres à 50 ou 100 ans, voir même perpétuels ! Pour mémoire, la maturité moyenne de la dette publique en France est de 7 ans environ, contre 15 ans au Royaume-Uni.
L'avantage résulterait évidemment du fait que les nouveaux titres de dette publique seraient émis à des taux d'intérêt très bas, ce qui éliminerait le risque de taux d'intérêt pour l'État. Mais en contrepartie, le service de la dette serait étalé sur plusieurs générations, ce qui ne manquerait pas de provoquer l'ire des Géo-je-trouve-rien-dautre, éructant que ce sont les pauvres générations futures que l'on condamnait de la sorte à payer nos errements actuels.
* monétiser la dette publique. Cela consiste pour la Banque centrale à créer de la monnaie pour ensuite acheter les titres de dette publique. Une fois les titres transférés sur son bilan, la Banque centrale peut décider soit de les annuler explicitement soit de reverser les intérêts touchés sur cette dette à l'État émetteur, ce qui revient à une annulation mais implicite.
C'est du reste à ce sport que s'adonne la quasi-totalité des Banques centrales dans le monde pour réduire le taux d'endettement public des États, au risque de créer des océans de liquidités, qui déboucheront sur la formation de bulles et d'instabilité en tous genres...
* annuler la dette publique. Dans le jargon, on préfère parler de défaut sur la dette publique, certainement parce que cela rassure un peu. Toujours est-il que c'est la méthode non coopérative par excellence, mais qui est aussi la plus usitée dans l'histoire.
La Grèce est typiquement dans le cas de figure où après avoir essayé les trois premières méthodes, il ne lui reste désormais plus que le défaut. Hélas, la troïka+MES (faut-il dorénavant parler de quartet ?) semble encore croire que la Grèce est solvable, puisqu'on s'achemine vers un troisième plan d'aide de 86 milliards d'euros.
La grande illusion sur la soutenabilité de la dette publique se poursuit par conséquent, et c'est la grande saignée que les institutions européennes continuent à prescrire au malade ! Avec systématiquement les mêmes conséquences : effondrement de l'activité, donc nouvelle hausse du taux d'endettement public, nouvelles mesures d'austérité correctives pour tenir les objectifs de la troïka, nouvel effondrement de l'activité, etc.