Debout, tas de nouilles et n’oubliez pas de lire Calvin et Hobbes ! Les strips de Bill Watterson sont célèbres dans le monde entier et la série a d’ailleurs été couronnée de l’Alph-Art du meilleur album étranger à Angoulême en 1992. Vous pouvez commencer cette saga mettant en scène un petit garçon de six ans à l’imagination débordante et son tigre en peluche par n’importe quel album… donc, pourquoi pas par ce quatrième volet ?
À l’instar des tomes précédents, celui-ci reprend des histoires de différentes longueurs, allant de trois cases à quelques pages. Chacune offre un plongeon mélancolique dans le monde de l’enfance et invite à découvrir les fantasmes, les rêves et le regard critique de ce petit bonhomme sur le monde des adultes et sur la société en général.
Alors que l’album précédant s’ouvrait sur une histoire mettant en scène sa baby-sitter attitrée Rosaline, celle-ci demeure étrangement absente de cet album. Mais, pas de panique, Calvin a heureusement d’autres souffre-douleurs. Susie Derkins, sa petite voisine, est ainsi bel et bien au rendez-vous et continue d’en voir des vertes et des pas mûres en compagnie de notre ami. Et sinon, outre les gags récurrents concernant le repas et la prise du bain, que retrouve-t-on au programme de ce tome ?
Bizarrement, d’après la couverture, Calvin semble bien décidé à sortir ses parents du lit alors que, d’habitude, c’est plutôt le contraire. L’explication est cependant assez simple : la majorité de l’album se déroule pendant les vacances d’été. C’est donc la belle vie pour Calvin… alors autant se lever tôt pour en profiter au maximum !
Comme l’école n’est quasi pas au rendez-vous de cet album, Bill Watterson a plus de place/temps pour se concentrer sur des récits centrés sur la famille où Calvin n’a besoin que de trois cases pour juger et évaluer le travail de son père dans son rôle de « Papa », mais également sur des histoires plus longues comme cette visite au Zoo. Le lecteur a également droit à une campagne d’élection ayant pour enjeu le renouvellement des parents de Calvin, ainsi qu’à un père qui, derrière son air sérieux, ne manque pas de nous faire rire comme lors de ce premier gag et l’histoire de la main coupée. Les relations parents/enfants sont donc à nouveau traitées avec beaucoup d’intelligence.
Pas d’école veut également dire plus de temps pour faire des bêtises à la maison, notamment lorsqu’il décide de faire un peu de plomberie en essayant de réparer un robinet qui coule. Pourtant, ce petit garçon qui hait l’école et qui semble à première vue infatigable se fait parfois mater, pas uniquement par le méchant Moe, à qui il ne parvient pas à tenir tête, mais également par un vilain virus qui le garde au lit… alors qu’il n’y a même pas école !
Comme toujours, ma préférence va à ces récits où il peut laisser libre cours à son imagination débordante, notamment lors de ses transformations en Spiff le Spationaute, dont les chutes sont souvent hilarantes. Notre petit chenapan s’imagine également en pilote de chasse ayant pour objectif de détruire son école à coups de missiles et se transforme même en Hyperman… un super-héros pas comme les autres. J’aime également beaucoup les strips où il s’imagine en tyrannosaure. Hilarant !
Si la puissance comique de ces strips atteint des sommets, l’humour est également souvent d’une telle sophistication que plusieurs niveaux de lecture sont possibles. Au-delà de la simplicité apparente de ces gags burlesques se cache en effet un autre niveau de lecture, plus adulte, qui mêle critiques acerbes, réflexions intelligentes et cynisme ravageur. Les noms des personnages faisant respectivement référence à Jean Calvin et à Thomas Hobbes, le lecteur ne s’étonnera d’ailleurs pas de croiser quelques considérations philosophiques. L’auteur en profite notamment pour partager quelques critiques concernant la pollution de notre belle planète bleue. Calvin en a d’ailleurs tellement ras-le-bol, qu’il décide de déménager sur Mars, là où l’être humain n’a pas encore su polluer son environnement !
Parlons finalement de l’empathie inévitable envers ce duo éminemment sympathique. Ce gamin doté d’un sens de la répartie incroyable est particulièrement attachant et l’idée de donner vie à une peluche dans son imaginaire est tout bonnement brillante. Cela résulte non seulement en une complicité incroyable entre les deux, mais permet surtout de donner vie à l’imaginaire de l’enfant. Ensemble, ils vivent des aventures mêlant absurde, tendresse, drôlerie, nostalgie et justesse.
Visuellement, le dessin de Bill Watterson est d’une grande simplicité, mais ces visuels aux décors quasi inexistants permettent de mettre l’accent sur les personnages et sur des textes d’une finesse rare. Il faut un talent énorme pour parvenir à partager des tranches de vie en seulement trois cases et pour pondre des gags purement visuels sur base de postures ou d’expressions.
Du grand art… en toute simplicité !