Essayons de surmonter notre aversion pour les sondages qui ne mesurent pas grand chose, sinon la capacité des pigeons à les gober, comme en 2002 où nous avons été si dangereusement endormis… avec l’immonde résultat que l’on sait. Mais là, justement, il s’agit du FN, et peut-être pourrait-on donc considérer qu’il s’agit de vigilance citoyenne… bien que venant du Figaro on puisse fortement en douter. Cela nous fait cependant une occasion de démontrer à quel point la lecture des sondages est un exercice diversement apprécié, souvent tronqué, parfois cyniquement biaisé, voire dans certains cas carrément tordu jusqu’à donner l’image d’un grand écart dans un milieu journalistique fortement sujet à caution morale.. Développons. Pour des données qui ne me semblent pourtant claires, la seule vision des titres de journaux et sites qui ont exploité l’information est éclairante de la diversité des conclusions tirées par chacun, en fonction de leur teinte politique. Google recense 150 articles sur le sujet. Quelques exemples signifiants :
Une majorité de sympathisants FN favorables à l’exclusion de Jean-Marie Le Pen
L’exclusion de Jean-Marie Le Pen du Front national ne fait pas l’unanimité
Seule la moitié des sympathisants FN approuve l’exclusion de Jean-Marie Le Pen
FN : plus de la moitié des sympathisants approuvent l’exclusion de Jean-Marie Le Pen
L’exclusion de Jean-Marie Le Pen n’incite pas les Français à voter FN Déjà, rien que là, on voit que ces journaux ne tirent pas les mêmes conclusions. Si l’on était de mauvaise foi partisane (en l’occurrence de gauche, bien que dégagé récemment de toute contrainte partisane, ce qui me donne de plus grandes libertés), par exemple, on pourrait se demander si le journal qui a commandé le sondage, le Figaro, ne se montre pas quelque peu déçu de son résultat ( » Seule la moitié des sympathisants FN…« ). A l’inverse, le site d’informations publique, France Info,semble estimer quant à lui un peu hâtivement (alors que les chiffres sont bien plus mitigés) que c’est une victoire pour la démocratie que la majorité des sympathisants du FN approuve la décision d’exclusion du patriarche. La tonalité générale des titres observés parmi cette production s’oriente d’ailleurs dans ce sens. Allons voir à présent le sondage pour nous forger notre propre conviction . Réalisé auprès de 963 personnes selon la méthode des quotas, par téléphone. Classique, plus fiable qu’un sondage internet, qui ne vaut lui pas grand chose. Le ton employé par les journaux, dans leurs titres manifestement si orientés, entraînent un commentaire de ma part. Aucun d’entre eux par exemple ne dit pas qu’il y a nettement plus de français parmi les sondés (soyons prudents : seulement eux !) à se déclarer indifférents à l’éviction de Le Pen plutôt qu’à l’approuver, comme tant l’expriment pourtant, ce que démontre pourtant clairement les données de ce tableau. Le sens même qui pourrait être donné à cette information est sujette à hypothèses : est-ce par indifférence à la chose politique ? Ou parce qu’ils pensent, (comme c’est mon cas d’ailleurs) que cela ne changera fondamentalement pas grand chose à la nature même du FN ? En outre, contrairement aux titres quelque peu plus optimistes qui préfèrent titrer sur la stratégie gagnante de la bande à Philippot, 47 % des sympathisants du Fn n’approuvent pas l’éviction du fondateur du FN, voire s’en foutent carrément, ce qui n’est selon moi pas davantage bon signe pour ce parti. Car cela peut marquer l’échec de cette prétendue dédiabolisation qui à la lecture de ces chiffres ne trompe pas grand monde… même au FN.Nous avons vu plus haut que, selon l’Express, ce sondage leur donne l’occasion de considérer que « L’exclusion de Jean-Marie Le Pen n’incite pas les Français à voter FN« . C’est faux. Car ce qu’aucun journal ne dit, et encore moins celui-là, mais que les données ci-dessus démontrent, c’est que par rapport à 2012, puisqu’on interroge seulement les personnes qui n’ont pas voté FN, la part de ceux qui après l’éviction de Le Pen pourraient voter pour le FN augmente de 14 %. Que par contre 85 % des sondés continuent à dire qu’ils ne voteront malgré tout pas pour ce parti d’extrême droite est tout de même encourageant. Les français (sondés en tous cas) ne sont donc pas dupes de la stratégie de dédiabolisation du FN, contrairement à Monsieur Sapir. Une réalité que n’exprime pourtant pas la plupart (si ce n’est la totalité hélas) des journaux. Notons au passage que selon un autre tableau plus bas qui donne plus de détails que celui-ci, moins on a de diplômes, plus on vote FN. Une clé quant au combat contre cette plaie nationale : l’éducation et la formation… CQFD. je pourrais étendre cette analyse de sondage par bien d’autres commentaires, mais je crains que ce billet ne soit trop long, et puisque de toute façon cela n’intéresse pas grand monde, je ne vais pas vous ennuyer. Mon but était de toute façon essentiellement de vous démontrer factuellement que les journaux utilisent les sondages à leurs fins, mais que la réalité est toute autre… Aussi, chaque fois que vous en voyez un, ne faites aucune confiance aux médias : creusez. Leur travail est en effet plus ou moins sérieux. Et en l’occurrence, plutôt moins que plus. Il faut dire à leur décharge que moi, j’ai le temps de faire ça, ce que n’ont plus bien des journalistes qui d ‘ailleurs n’en sont plus, sous la pression des infos en continu, trop rapides, mais correspondant hélas à des lecteurs/consommateurs plutôt qu’à des gens qui veulent connaître la vérité… Le général de Gaulle avait-il raison à ce point ? On ne pourra pourtant pas me reprocher de n’avoir pas tenté de faire dans l’éducation populaire… contrairement à des médias qui caressent trop souvent les gens dans le sens du (mauvais) poil, oubliant un peu trop leur rôle social, sociétal, et donc pédagogique. Mais puisque la course au buzz, l’immédiateté, l’info pré-mâchée et pré-digérée est privilégiée, au détriment de la recherche de la vérité…. je m’efface. Regrets…. Car le Fn se développe également avec la complicité et la passivité des médias, qui s’abstraient bien légèrement de leur triste responsabilité. CQFD.