Elodie Hache (Armide)
Après le grand succès du Germanico in Germania de Porpora, le Festival de musique ancienne d´Innsbruck nous a proposé hier soir Armide de Lully, un chef d´oeuvre de la maturité du grand compositeur de la cour du Roi Soleil. C´est la première fois qu´un opéra français est chanté dans l´histoirede ce festival, qui a voulu donner ici dans le cadre de son programme 'Barock-Jung' l´occasion à de jeunes chanteurs et chanteuses baroques de se produire dans une grande oeuvre du répertoire baroque français, tout en confiant la direction musicale aux soins d´un expert du genre, le violoniste et chef d´orchestre Patrick Cohën-Akenine, un des grands spécialistes de la musique baroque, qui a interprété la musique de cet opéra avec ses Folies Françoises, un orchestre de chambre qu´il a créé en 2000.L´opéra a été monté dans la belle cour de la Faculté de théologie d´Innsbruck dont les arcades et les fenêtres peuvent être aisément utilisées á des fins de décor. Dans ce cadre, la metteure en scène et chorégraphe Deda Cristina Colonna et le décorateur et costumier Francesco Vitali ont créé un décor simple, en utilisant toute une série de mannequins pour servir à la fois de figuration et d´éléments de décor. Là où Francesco Vitali réussit un beau travail avec ses costumes et ses coiffes á panaches emplumés inspirés du baroque et ses éclairages ou ses vidéos efficaces pour suggérer des changements de décor, la mise en scène de Deda Cristina Colonna pèche par des erreurs qui auraient pu facilement être évitées. Le podium servant de scène n´est pas suffisamment élevé pour que l´ensemble des spectateurs puissent voir ce qui se passe au sol. Malgré cela, Deda Cristina Colonna fait à plusieurs reprises se coucher des chanteurs sur le plancher, pour les scènes pourtant capitales du sommeil de Renaud et du désespoir d´Armide. L´un et l´autre disparaissent du champ de vision de tous les spectateurs qui ne sont pas assis aux premiers rangs. Ses chorégraphies, qui manquent de légèreté et sont trop souvent caricaturales, ratent le coche de l´élégance et du raffinement baroques, les pas des danseurs qui martèlent le plancher et le bruit ainsi produit interférant de plus avec le travail des chanteurs. Avec les danseurs de l ´ensemble Nordic baroque dancers plus sollicités pour le jeu théâtral que pour la danse, la mise en scène passe à coté de l´essence de l´oeuvre, qui est heureusement portée par l´excellence de l´orchestre et du chant, même si l´on assiste à de beaux tableaux par le positionnement des mannequins, des danseurs et des chanteurs. Le traitement des mannequins, habillés de pourpoints aux riches brocards ou de robes de cour ornées de dorures, est particulièrement intéressant dans les scènes finales. Un des mannequins est décapité par l´allégortie de la haine, les autres dévêtus et nus, tout comme a disparu le monde illusoire de la magicienne Armide qui a tout perdu, et la guerre et l´amour.
Armide (Elodie Hache) et Hidraot (Pietro di Banco), Nordic baroque dancers,
Sidonie (Miriam Albano)
On sort tout compte fait ravi de cette soirée baroque à la française portée par de jeunes chanteurs fort prometteurs et par la prestation éblouissante des Folies françoises de Patrick Cohën-Akenine.