Shorpy Higginbotham, an oiler on the tipple at Bessie Mine near Dora in Jefferson County, Alabama.
December 1910. Photograph by Lewis Wickes Hine. Entire
Henry Sharpe Higginbotham est né le 23 novembre 1896 à Jefferson County, Alabama, de Phelix Milton Higginbotham et son épouse Mary Jane, née Graham. Il aura six frères et trois soeurs.
Il entre à la mine de Bessie comme l'avait fait son père auparavant. En 1910, le photographe Lewis Hine le saisit au travail. Il demeure de lui quatre clichés : deux portraits individuels et deux photo de groupe qui le représentent au milieu de ses amis. Il a quatorze ans.
Shorpy, car c'est ainsi que selon les témoignages, tout le monde appelait Henry Sharpe Higginbotham, est mobilisé en 1917 et combat en Europe durant la première guerre mondiale. Il se marie en novembre 1927 avec Flora Belle Quinton.
Shopry meurt en 1931, dans ce qui semble être un accident de wagonnets de mine. Il laisse une femme enceinte.
Ne sont demeurés aujourd'hui de lui que ces quatre clichés de Lewis Hine. Il a eu le destin normal d'un enfant pauvre, né pauvre, mort pauvre d'une mort de pauvre. Il a eu la chance de survivre à la Grande Guerre mais pas celle de connaître son enfant, un fils qui mourra en 1993.
Ce qui fait la renommée contemporaine de Shorpy, c'est qu'un site web porte aujourd'hui son nom en hommage aux millions d'anonymes qui hantent les archives photographiques des bibliothèques du monde entier. Un beau jour, un certain Dave, dont je ne sais rien, entreprit de donner vie à ces archives, numérisées ou pas et de les publier en ligne. Quand vint le moment de donner un nom à son blog, il choisit Shorpy, en hommage à ce très jeune anonyme aux yeux de pierre. Shorpy.com était né.
Shorpy.com semble gagner sa subsistance de la vente de tirages papiers des images numériques qu'il présente. Il permet à ses membres d'uploader et de partager leurs propres archives familiales tant qu'elle ne dérogent pas à la charte de publication du blog.
L'ampleur du travail est immense mais, peu à peu, Shorpy.com grandit et propose chaque jour une photothèque plus riche et plus variée. On y trouve le travail de célébrissimes photographes tels Dorothea Lange ou Walker Evans (du temps où ils travaillaient pour l'administration américaine) et également ces archives anonymes issues des arrières boutiques de photographes locaux ou des cartons de greniers.
Je crois qu'il s'agit là de l'un des plus beaux projets que j'ai jamais vu en ligne.,avec PostSecret, peut-être. Pour l'anecdote, j'ai un jour entendu l'écrivain Jean-Pierre Milovanoff dire qu'il aimait contempler les dates sur les pierres tombales des cimetières de campagne. Entre l'année de naissance et l'année de décès, figure en général un tiret. Milovanoff confiait alors que son travail d'écrivain était d'imaginer ce que résumait ce tiret : la vie, les drames et les joies de ceux que nous croisons chaque jour dans la rue. Dave, à sa manière, s'est attelé à la même tâche : une photo de group de l'émarique du siècle passé. Peut-être finira-t-il comme le cartographe de Borges, par dessiner son propre visage.
Chaque fois que je désespère des hommes et de ce qu'ils font d'Internet, je rend visite à Shorpy. Ca me calme.
PS. Je reconnais l'emprunt de la phrase de titre à Miguel Torga (L'universel, c'est le local moins les murs). je reconnais aussi la faiblesse de mon pastiche.