Concours organisés par des grandes agences, (le fameux concours Elite), repérée sur une plage (Laetitia Casta), un agent qui tend sa carte dans le hall de l’aéroport JFK (Kate Moss), ou entre deux nuggets à Mc Do (Gisele Bündchen), être repéré semble tenir du hasard ?
En réalité, les plus grandes agences de mannequins disposent de « scout », c’est-à-dire des personnes qui sont chargées de dénicher les nouveaux visages qui occuperont les couvertures des magazines en papier glacé.
Dans la mythologie des mannequins, le début fait toujours l’objet de récits similaire, ou le hasard prévaut. Si elles n’ont pas gagné le concours Elite, les modèles évoquent souvent des « personnes » qui les ont abordés et leur ont donné leurs cartes. Souvent ce moment du récit laisse place à une candeur innocente : « je n’y avais jamais songé », « je ne savais pas en quoi cela consistait », « j’ai cru à une blague »…
Ce côté aléatoire reste quelque peu énervant, agaçant: alors tout le monde va de sa théorie sur le pourquoi du comment. Les « trucs » et « astuces » qui permettent de forcer le destin et devenir mannequin… A l’heure des réseaux sociaux -de Twitter à Facebook -les agences disposent de tout un nouveau vivier pour contacter leurs futurs « front cover ». Pour taper dans l’oeil des agences, tout un protocole est à suivre: rester naturel, mais un naturel travaillé…Très travaillé. Il faut faire de ses réseaux sociaux des sortes de vitrines, ou comme par hasard, de très belles photos – prises au dépourvu- exposent votre silhouette de liane et votre peau de bébé.
Il ne faut pas se leurrer, d’autres critères entrent en ligne de compte. Les éternelles mensurations. Indispensables. Même si Kate Moss n’atteignait pas la taille requise, qui peut prétendre à son titre ? De plus, les scouts recherchent des visages qui s’inscrivent dans les tendances de la saison. En ce moment, un retour à une beauté non conventionnelle chez les femmes, et un certain androgynisme chez les hommes semblent être en vogue.
« Girls just wanna have fun ! » Final Sonia Rykiel 2008
Alors si vous pensez avoir ce qu’il faut …lancez-vous. Pas d’aigreur envers les mannequins, tout n’est pas toujours si facile. Etre repérée ne rime pas avec carrière longue durée. Beaucoup ont échoué, n’ont pas su profiter des opportunités. Il faut avouer que le chemin peut être rude. Dans les faits, les histoires ne sont pas si roses… Plus qu’un physique, c’est un mental d’acier qui est requis pour durer dans le mannequinat.
Forcer le destin reste compliqué. En attendant voici 5 histoires de découvertes qui nous inspirent:
La beauté déjantée de Lara Stone.
Devenue ambassadrice pour L’Oréal, et toujours présente au casting Calvin Klein, Lara Stone est devenue depuis quelques années un super modèle. Depuis que Carine Roitfeld et Ricardo Tisci l’ont repéré et l’ont prise sous leurs ailes, la carrière de la belle blonde au sourire légendaire à décoller. Un numéro spécial de Vogue lui est consacré en février 2009. Numéro au coeur duquel elle se confie, évoque ses débuts, et revient sur la dureté des castings…
A 12 ans, alors qu’elle est en vacances avec sa famille, elle est repérée par la femme d’un agent d’Elite. 12 ans c’est jeune, et Lara n’assimile pas, et peu importe elle est jeune et en vacances. En revanche, sa mère garde le numéro. De retour en Hollande, elle contacte l’agence Elite d’Amsterdam et envoi des photos de Lara. Elle retient l’attention, alors on lui propose de participer au concours Elite, qu’elle perd en 1999…Malgré cette défaite, l’histoire est loin d’être finie pour Lara. Elle y croit, et une fois diplômée, elle part tenter sa chance à Paris. Sauter par-dessus les barrières du métro, vivre en colloc avec 10 filles et des flasques de vodka : pas vraiment le rêve parisien. Lara fait des shootings, tant bien que mal, se débrouille avec l’argent que ses parents lui envoient, et finalement finie par signer un contrat avec l’agence IMG en 2006. « Brigitte bardot gothique » comme l’a décrit Ricardo Tisci, sa silhouette n’est pas toujours appréciée par les créateurs, et son visage qui défraye les beautés classiques est parfois considéré comme une trop grande prise de risque. L’audace, c’est Miuccia Prada qui l’aura. Lanceuse de carrière, la créatrice ne cesse de dénicher des filles hors normes, hors conventions, qui deviennent rapidement de grandes égéries. Elle offre à Lara son premier défilé. Depuis Lara est devenue une égérie, une égérie qui le vaut bien.
Aymeline Valade et son Skate.
Pour se rendre au Lycée, Aymeline passait tous les jours devant une agence de mannequins. Armée de son skate, elle déferlait dans Nice avec insouciance, sans songer aux regards. Un agent finit par lui proposer une carrière de mannequin. A l’époque, Aymeline a 15 ans. Concentrée dans les études, nourrie par une éducation avec des valeurs humanistes, et ayant un père employé au ministère de la Défense, la jeune fille préfère continuer sa route dans le journalisme. Elle ne crache pas sur le mannequinat, mais préfère assurer ses arrières et avoir un diplôme en poche qui lui ouvrira des possibilités. Mieux faut s’armer de plusieurs plans de carrières…Ses études de journalisme et de communication achevées, elle monte à Paris et tente sa chance. 23 ans: considéré parfois comme l’âge-limite… Aymeline prouve le contraire. Sans y croire vraiment, elle participe à un casting Balenciaga : coup de foudre. Nicolas Ghesquière la prend en exclusivité . La suite : un enchaînement de défilés. Sa longue silhouette, ses traits anguleux séduisent. Une nouvelle génération de mannequins : des filles qui ont de la personnalité, ce quelque chose dans les yeux qui dit « Oui j’ai un cerveau, et je l’utilise! « . En 2014 , c’est au côté de Gaspard Ulliel, Louis Garrel ou encore Léa Seydoux qu’elle fait ses débuts au cinéma. Elle interprète Betty Catroux, muse d’Yves Saint Laurent, dans le film de Bonello. Jouer une muse : évident? Non pas tant que ça. Reconnue comme mannequin, Aymeline ne souhaite pas être considéré comme une énième modèle qui tente sa chance sur le grand écran. Sa décision est le fruit d’une longue réflexion. Souhaitant livrer une interprétation convaincante, elle se décolore les cheveux en platine, et devient Betty. Humble et juste, sa performance efface son identité de mannequin. Aymeline, l’actrice est née.
Le coup de foudre 2.0 d’Alexander Wang pour Anna Ewers.
C’est sur un blog que la mannequin allemande s’est faite remarquer, et pas par n’importe qui. C’est dans les yeux d’Alexander Wang que la jeune fille sème le trouble. D’emblée le designer contact Annita Bitton, avec qui il travaille sur les castings, et lui demande de la retrouver. La jeune fille fait l’objet d’une véritable chasse au trésor. Prise au dépourvu, se déplace à Paris pour rencontrer le designer. La magie opère. Cependant rien n’est joué. Son physique à la Bardot, rappel celui de Lara Stone ou Claudia Shiffer. La jeune fille doit se démarquer, à une heure ou les mannequins ont plutôt un look boyish et filiforme. Alexander Wang, un nom qui pèse mais est-ce suffisant? La jeune fille enchaîne les castings, et effectue toutes les campagnes de Wang : que se soit pour Balenciaga, H&M, ou sa propre marque. La reconnaissance vient également des magazines. Il semble qu’en cette matière, Vogue Paris continue d’entretenir un penchant pour les blondes aux allures de B.B. . Emmanuelle Alt, dès 2013, fait appel à la jeune Allemande et lui accorde même une couverture. La carrière D’Anna est complètement lancée.
Même si les détails sur les manières dont Anna a été retrouvé par les équipes de Wang restent très flous, cette histoire est séduisante car elle tranche avec les histoires habituelles. Quand on s’y penche un peu plus , on découvre que cette histoire n’est pas arrivée si facilement et légèrement qu’elle le prétend. Anna avait un passif dans la mode. Elle a commencé à poser à 16 ans en Colombie, où elle étudiait dans le cadre d’un échange scolaire ! Elle avoue que la Colombie était un cadre propice, et ainsi ne songeait pas à une carrière Européenne «Eh bien, c’est la Colombie, bien sûr ils n’aimaient bien – je suis blonde, j’ai des seins. Mais en Allemagne il y a tant de blondes, et de belles filles avec des seins…» .Cette histoire reste tout de même séduisante: la traque menée par Alexander Wang est digne d’un roman d’aventures ! Un nouveau conte de fée 2.0. qui met des étoiles plein les yeux.
La carrière en dent de scie de Crytal Renn.
L’américaine est encore Pom-pom girl quand un agent lui suggère une carrière dans la mode. Légèrement au-dessus des mensurations habituelles, il lui est recommandé de perdre légèrement des hanches, afin de s’assurer la gloire. Crystal a 14 ans, et voit dans cette proposition une belle opportunité: l’ouverture vers un autre monde, la possibilité de voyager. Les débuts sont difficiles: beaucoup de filles et peu de places. Crystal s’impose alors un régime drastique et sombre dans l’anorexie…atteignant 38 kg pour 1M75. Son calvaire dure 3 ans. Sortie de la maladie, le monde de la mode ne lui ferme pas ses portes pour autant. Son agence lui propose de prendre le créneau des mannequins, dit « plus-size ». Le succès est au rendez-vous, et son histoire inspire. Vogue Paris la fait poser dans plusieurs éditos, elle défile pour Jean-Paul Gaultier en 2006 et sort un livre retraçant son combat : « Hungry ». Crystal semble avoir trouvé une stabilité. Pourtant les tabloïds s’insurgent en 2013, lorsque des photographies de la jeune femme, ayant perdu toutes ses rondeurs, sont publiées. Une rechute ? Selon les communiqués officiels, cette nouvelle silhouette est le résultat d’un nouveau style de vie adoptée par la jeune femme, qui lie alimentation saine et yoga. Pour beaucoup cette perte de poids et contradictoire avec tout le combat contre l’anorexie, la célébration des formes, que véhiculait l’histoire de Crystal. Cette dernière s’en défend. Elle n’est ni plus size, ni squelettique. Elle a encore des formes et possède un corps fuselé, en rien malade. Pour preuve, elle pose pour la revue « Sport Illustrated » qui promeut des corps athlétiques, en bonne santé.
Cette histoire de poids « yoyo », montre que peu importe son corps, la mannequin s’en est toujours sortie et a trouvé des alternatives de carrières. Certes cette histoire révèle les dangers, et les havres dans lesquelles plongent certains modèles, encore jeune, lorsqu’elles entrent dans le système de la mode.
Jeu sur les conventions de poids, coup de pub : peu importe, Crystal Renn fait parler d’elle et alimente les débats…
Vera Von Lenhndorff invente Veruschka.
Vera Von Lenhndorff a aujourd’hui 75 ans; et possède une histoire digne d’un film, une histoire qui impose le respect et l’admiration. L’histoire d’une grande dame.
Ce n’est pas par sa découverte que je vais commencer, mais par son le récit de sa vie personnelle, de son enfance- sur laquelle la jeune femme est toujours restée discrète et n’a jamais joué. Vera Von Lenhndorff est née en 1939. Une date que tout le monde connaît, une date qui signe l’entrée en guerre, le début des camps…Sa famille est noble et possède un château qui sera investi par les nazis pendant la guerre. Son père entre alors dans la résistance et fait partie du complot Valkyrie du 20 juillet 1944 visant à tuer Hitler. Arrêter, il est condamné à mort, et Veruschka et sa famille entament une vie de cavale. Une partie de sa famille est déportée. A la sortie de la guerre, tout est à reconstruire…
Cette enfance traumatisante n’empêche pas la jeune femme de se forger un destin en or. Une force inspiratrice. Elle devient mannequin à 20 ans, alors qu’elle vient d’achever ses études. Cette carrière se fait grâce à sa rencontre avec un photographe, puis une entrevue avec Eileen Ford (fondatrice de l’agence de mannequins Ford), qui lui conseille de se rendre à New York. Verushka est grande, très grande, et à l’époque les femmes ne le sont pas autant… Le succès escompté ne vient pas, mais Véra possède plus d’un tour dans son sac. De retour à Munich , elle se crée un personnage aux teintes suaves: » Verushka ». Elle attire l’attention, et devient une régulière des pages de Vogue. Ses collaborations avec les artistes ajoutent à sa renommée. ( Dali par exemple). Elle joue dans Blow-up d’Antonioni, et est la première mannequin à poser le corps simplement recouvert de peinture. C’est le début du Body-Painting, véritable référence artistique dans l’art contemporain. Veruschka ne se contente pas d’être un simple modèle: elle s’engage artistiquement et fait de sa carrière une oeuvre. Au point de quitter le monde de la mode en 1975, à la suite d’un désaccord avec la nouvelle rédactrice en chef du magazine Vogue qui souhaitait changer son image, la rendre plus »girl next door ».
Toutes ces histoires prouvent une chose, une chose que tout le monde se complaît à oublier. Le mannequinat exige des habilités. Un véritable métier qui requiert une intelligence, une compréhension aiguë de l’univers de la mode si l’on veut y durer et s’y imposer. Nombre de modèles sont oubliées. Ces histoires montrent que des femme parviennent à se faire un nom : et ce malgrès les entraves. Etre repéré au détour d’une rue : ce n’est qu’un début, à peine le « Il était une fois » de toute une épopée.