Mozart s'y produisit devant la reine Marie-Antoinette lors de son voyage à Paris en 1778. L'endroit doit son nom à une femme, la comédienne Virginie Déjazet, qui offre au jeune Victorien Sardou un cadre digne de ses productions. Nous sommes en 1859 et l'endroit survivra (il y a du bon à être caché) à l'ampleur des travaux haussmanniens. La place de la République s'arrête à quelques mètres. Une certaine mélancolie en émane depuis que Marcel Carné y a tourné les scènes d'intérieur des Enfants du paradis en 1945.
Mais c'est surtout la musique qui fait vibrer le Théâtre Libertaire de Paris ou TLP-Déjazet depuis 1986, avec une des plus grandes figures contestataires de la chanson, Léo Ferré. D'immenses têtes d'affiche s'y sont ensuite succédé. C'est aujourd'hui de nouveau un théâtre mais sa programmation accorde en toute logique une place importante à la musique ... et à l'humour.
Il faut connaitre pour y aller mais vous ne serez pas déçu. Cette Rue de la Belle Ecume est un des meilleurs spectacles du moment.
Christian Faviez revisite les titres anthologiques de la chanson française sous la forme d'une pièce musicale. Je ne suis pas sûre qu'il faille avoir une culture musicale pour apprécier. C'est tellement bien fait que même si on ne saisit pas toutes les allusions on ne peut que goûter chaque scène, chaque morceau.
Parce que les textes sont écrits en français. Ils réjouiront tous les amoureux de la chanson française. Surtout qu'ils sont remarquablement tricotés d'anecdotes sur lesquelles on aurait envie de revenir. Facile avec le CD du spectacle que l'on peut acheter à la sortie. Christian Faviez sait doser le second degré et moderniser les situations. Ainsi la Lettre au Président de Boris Vian devient un mail envoyé par un fusillé qui dénonce lui aussi la langue de bois. Si les mots changent, l'esprit demeure.
Parce que les musiciens sont eux aussi parfaits. Aussi bien le guitariste Jeff Mignot que Roland Romanelli au piano, à l'accordéon et l'accordina qui nous ont régalé de très beaux accords. C'est Roland qui a assuré la direction musicale du spectacle et c'est un immense plaisir de l'entendre sur scène. Cet artiste accompagna Barbara pendant une vingtaine d'années. Il a travaillé avec ou pour Goldman, Lama, Polnareff, et Aznavour, lequel est un des chanteurs auquel le spectacle rend hommage. Il aurait été difficile de trouver plus légitime que Roland Romanelli !
La musique conjugue beaucoup de genres, jusqu'à installer une ambiance jazzy, rock ou presque pop quand c'est nécessaire. Les lumières sont magnifiques. Sans surprise puisque c'est Jacques Rouveyrollis qui les a conçues, mais il n'empêche ... Jusqu'aux costumes qui sont très justes. Chaque détail est intelligent. Que ce soit le poste de radio de nos grands-parents pour clamer les nouvelles, ou la coiffure de Roland qui pour l'occasion s'est laissé pousser les cheveux à la manière de Léo Ferré, ou encore Emily, parfois mutine, parfois gouailleuse, et pourquoi pas aussi suggérant Marilyn.
Chaque chanson est un mondeChaque air un univers
Rue de la belle écume
Théâtre Dejazet,En Août : du mercredi au samedi à 19h00 (séances supplémentaires tous les samedis à 16h30)En Septembre : du mardi au samedi à 19h00 (séances supplémentaires tous les samedis à 14h30) (4 relâches en Septembre : Mardi 1er / Samedi 12 / vendredi 18 / Samedi 20)41 boulevard du Temple, 75003 Paris