Avant le sous-développement, il y avait un développement. Par Roger Garaudy
Par Roger Garaudy A Contre-NuitAvant le sous-développement, il y avait un développement.Pas le nôtre. Telle est la tragédie majeure denotre temps.Cinq siècles de colonialisme ont conduit au pillagedes richesses de trois continents, à la destruction deleurs économies, aux échanges inégaux et à la dette, à lanégation et au mépris des autres sagesses.Avant le sous-développement, il y avait le développement.Pas le nôtre, celui de l'Europe, qui a construitd'abord, sous le nom de « providence » , puis d ' « évolution» , puis de « progrès » , puis de « croissance » , unevision linéaire de l'histoire. Vision selon laquelle lapuissance technique de manipulation de la nature et deshommes serait l'unique critère de valeur.Par le langage on masque un double mensonge : sous-développementne signifie pas « retard » dans une évolutionhistorique, mais dépendance coloniale, qui a fait descolonisés des appendices de l'économie des métropoleset a bloqué tout développement endogène.L'expression en voie de développement dissimule la réalitéd'un écart grandissant : le sous-développement du plusgrand nombre est le corollaire et la condition de la croissancede ceux qui en font le pillage. En voie de développementdésigne une misère croissante de peuples « en voie derégression » et de faillite, par le jeu de la dette.Avant d'être « découverts » , les autochtones avaientcréé des formes de culture au moins égales aux plusbelles réalisations de l'Europe. En témoignent lessoudards de l'invasion, éblouis par Tenochtitlàn —l'actuel Mexico — plus que par Venise.Il est hypocrite, en invoquant les « sacrificeshumains », de vouloir justifier le génocide de 80 % dece continent par le travail forcé dans les mines d'or etles plantations, pour les seuls « besoins » des métropolesoccidentales, avec les épidémies et les massacresqui en découlaient, ainsi qu'en témoigne, dans sa Trèsbrève relation de la destruction des Indes, monseigneurBartolome de las Casas, chassé de son diocèse deChiapas par les colons esclavagistes.Où sont les barbares ?« La barbarie est venue d'Europe » , répondait l'évêque.Cette chasse à l'Indien n'appartient pas seulement aupassé, ou aux westerns racistes : elle se poursuit encore,des « réserves » des États-Unis et du Canada jusqu'auxforêts de l'Amazonie où les seringueros et les grandspropriétaires fonciers massacrent les Indiens.Une civilisation disparaissait de l'histoire.On ne peut rien comprendre aux situations chaotiqueset parfois à l'agonie de régions du monde telles quel'Afrique noire, ni aux flambées intégristes de révoltecontre la désintégration matérielle et spirituelle de leursociété et de leur culture, si l'on feint d'ignorer les cinqsiècles de colonisation qui ont préparé les faillites, lesfureurs, les convulsions d'aujourd'hui.Le père Vincent Cosmao pose le véritable problème :« Pour comprendre le sous-développement, il apparaîtindispensable de s'interroger sur la manière dont fonctionnaientles sociétés avant d'entrer en déstructuration.»>> LIRE LA SUITE >>