Tout le monde connaît #lastagiaire. Ses poses très recherchées dans des cartons ou devant un pied de vignes sont vite devenues mythiques. Aussi, lorsque je suis allé en Belgique, je l'ai contactée pour la rencontrer en vrai. Elle m'a répondu OK. Faut juste que je demande à ma mère qu'elle te cuisine des trucs cools. Sa mère ? Bigre. Moi quoi qui rêvait d'un tête à tête, c'est raté. Du coup, je me renseigne sur la fameuse mère. Sandrine et son époux sont cavistes. Tout comme moi. Cool, au pire, on pourra parler boulot. Je découvre qu'elle tient un blog (un autre point commun) et qu'elle a l'air de plutôt bien cuisiner. Encore un bon point. Et puis, elle a une tête sympa. Elle ressemble à #lastagiaire, en un peu plus âgée.
Je n'étais pas au bout de mes surprises. #lastagiaire est la soeur de #Monstro. L'autre mythe belge. A dix ans, il s'y connaît mieux en vin que 90 % de la population française. Il est aussi expert en dégustation d'escargot, en dessins de Pokemon, et s'intéresse de près à l'élevage de panda. En le découvrant, je découvrirai aussi qu'il fait déjà quasiment ma taille. La prochaine fois que je le verrai, il fera une tête de plus que moi.
(Source)
Lundi 10 août, 18h55. Saint-Georges sur Meuse. Dans 5 mn, je vais rencontrer #lastagiaire. Tout. Tout en tenant mon volant, je croise les doigts pour que ça se passe bien. Ca y est, je suis arrivé. Je sonne. C'est sa mère qui ouvre, mais #lastagiaire est juste derrière elle, avec un grand sourire. #Monstro n'est pas loin, tout aussi souriant. Ca commence bien.
Nous démarrons par un champagne d'une couleur or rose choisi par mon hôte. C'est intense, vineux, limite corsé, et se marie parfaitement avec le lard de Colonnata que #lastagiaire dévore avec délice à un âge où beaucoup se gavent à la Blédina et à la purée Mousline. En discutant avec ses parents, je comprends pourquoi la petite est si douée. Ils maîtrisent très bien leur sujet.
L'entrée préparée par Sandrine montre qu'elle cuisine aussi bien qu'elle déguste. Il y a tout dans ce plat : du moelleux et du salé avec le saumon, de l'onctueux et du corsé avec la crème au wasabi, du croquant légèrement sucré avec la pomme, de l'iodé avec la bourrache et les oeufs de saumon, légèrement craquants. J'apprécie beaucoup, et #lastagiaire approuve aussi en agitant sa fourchette en plastique.
Avec cette entrée, nous buvons un vin blanc à la robe dorée intense. Il fleure bon la pomme chaude rôtie au beurre, avec une pointe de tilleul et de zeste de citron. La bouche réussit à être bien mûre toute en déployant une grande tension. C'est droit tout en n'étant jamais rigide. Et surtout, la finale est longue et expressive, avec une belle mâche. J'ai déjà bu à plusieurs reprises ce Feu du domaine Belluard (un vignoble proche de Chamonix composé principalement du rarissime cépage Gringet), et c'est à chaque fois un ravissement.
Nous continuons avec une côte de porc ibérique bien garnie, à la cuisson maîtrisée. Servie par un vin que j'ai aussi eu l'occasion de boire à quelques reprises avec un bonheur renouvelé : la cuvée Kopar 2006 du domaine Gere. L'assemblage est bordelais (50 % Cabernet Franc, 40 % Merlot, 10 % Cabernet Sauvignon) mais le résultat diffère, probablement dû au climat plus continental. La matière est plus mûre, limite confite, mais elle est tendue et équilibrée par une impressionnante acidité, heureusement bien enrobée. La finale est très fraîche, sur des notes mentholées aux allures médocaines. Un vin tout ce qu'il y a de borderline, réussissant à ne jamais tomber dans le côté obscur du too much.
Nous passons aux fromages : Pecorino aux truffes, Bleu de Bresse et Cabriolait. Nous les apprécions avec la bouteile que j'ai amenée, du même milllésime que le vin précédent : Chalasses Vieilles Vignes de JF Ganevat.
J'ai en effet pris mes renseignements : tout comme moi, les parents de #lastagiaire apprécient ce domaine. Il était intéressant de goûter cette cuvée après pas mal d'années en cave. Eh bien, elle s'avère d'une jeunesse presque déconcertante. On m'eût dit que c'était un 2012, je l'aurais cru. Le nez a un côté chablisien, entre lemon curd, noisette fraîche et beurre chaud. La bouche est vive, bien enrobée par une matière généreuse. C'est goûtu, séveux, et sera encore meilleur dans 5-10 ans... sauf que c'était ma dernière de ce millésime. Après, je passe en 2008...
Sandrine et Laurent avaient prévu à l'origine ce vin avec les fromages. Comme la bouteille était ouverte, ben on l'a bue aussi. Les cavistes, ça aime pas gâcher. On a bien fait. Fleur de pierre porte vraiment bien son nom. Au nez comme en bouche, c'est de la caillasse chaude qui se liquéfie juste pour passer dans le gosier. C'est à la fois hyper sobre et mega expressif. Du très beau vin !
Avec un tiramisu aux speculoos, le plat préféré de #lastagiaire, (elle n'en a pas laissé une miette) nous nous attaquons à un mythe suisse qui porte bien son nom : Mitis 2001 de Jean-René Germanier. C'est une sélection de grains nobles de la rare Amigne de Vetroz. La robe ambrée fait plus penser à un cognac de 50 ans. Mais pas le nez, sur les fruits secs (raisin de Corinthe, abricot, datte) et une foultitude d'épices digne d'un souk oriental. En bouche, c'est d'une richesse et d'une concentration impressionnante, à la limite du visqueux, mais le nectar est équilibré par une acidité monstrueuse qui tonifie et étire l'ensemble, pour se conclure sur une queue de paon d'une grande fraîcheur. Ca relève du chef d'oeuvre et devrait être inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco.
Même si la soirée s'est finie très tard, nous ne l'avons pas vue passée. Ce passage des réseaux sociaux au direct live s'est fait sans anicroche. #lastagiaire et #Monstro se sont montrés à la hauteur de leur réputation. Et ma foi, les parents se sont avérés très sociables et pointus en matière de vins sans jamais se la jouer. J'envie leur clientèle ;-)
A part cette photo au flou artistique très David Hamilton,
les autres clichés ont été pris par la mère de #lastagiaire